Édito-La violence d'une société d'apparence

La pauvreté est un vice. Un vice inqualifiable qui engendre des maux dans notre société prédominée par de "fausses apparences". Et personne n’y échappe. Le gars du quartier qui maîtrise quelques versets coraniques se taille une barbe plus qu'un attirail du faux dévot qu'un grand savant de la religion. Le gars de la classe moyenne se fabrique une identité de riche. Que des masques portés.

Pendant ce temps, le riche, le vrai, devient de plus en plus riche, tandis que le pauvre s'appauvrit davantage. C'est le constat amer de notre société. Le Sénégal pour tous n'est qu'un leurre. Une bande de politiciens véreux, réunie par des intérêts, se passent et se partagent le butin de leur holdup légal. Le Sénégal, à leurs yeux, n’est pas  un pays. Mais un gâteau.

Un gâteau qu’il faut se partager sous les yeux d'affamés et d'assoiffés, condamnés à ne jamais réussir. Le rappeur 10000 problèmes illustre cet état de fait sarcastiquement par cette rengaine : " la loi c'est pour les pauvres". Pourtant, celle-ci ne doit pas être personnelle. Mais elle semble l'être au pays de la téranga.

Le voleur de poussins trépasse dans les geôles, pendant que le politicien ou fonctionnaire criminel financier bénéficie d’une liberté totale. Et mieux, des louanges. Parfois même, héliportée ailleurs. 10000 problèmes l'a si bien résumé. La pauvreté est atavique dans notre pays. Aucune perspective d'avenir ne se dessine pour la jeunesse, cherchant désespérément une échappatoire dans les dunes du Sahara, si leurs corps ne sont pas refoulés par la mer.

Pendant ce temps, de gros bras s'érodent sur nos plages, musardant d’avoir une Boury Bathily comme première dame, tout en s'identifiant à Wally Seck. Un artiste ovni qui encaisse et décaisse des liasses selon ses humeurs. On me dira que je suis un jaloux, mais qu'à cela ne tienne. Notre jeunesse est malade et les gouvernants grossissent en fermant les yeux sur le sort tragique de la jeunesse.

Cette attitude est la pire des violences. Mais apparemment, tout le monde s’en accommode. Car chacun rêve d’être un jour à la place de ceux ou celui qui occupe le devant de la scène aujourd’hui. Parce que pour devenir riche, il faut emprunter l’ascenseur politique ou ludique. Ce qui est très grave. La politique à la sénégalaise est autant pernicieuse que les vices engendrés par la pauvreté. Des hommes et des femmes qui n’ont jamais travaillé de leur vie, se définissent comme « politicien », conduisent de belles voitures, épousent de belles femmes, demeurent dans de luxueuses villas et distribuent l’argent comme un gab hacké.

Le summum de cette insolence est que les condottieri nous agressent aussi au travers des médias avec leur soi-disant richesse. Ils exposent même dans les médias une maison construite à Pire, des smartphones à la main etc... . Des gadgets qui doivent être naturellement à la portée à toute personne occupant un emploi. Mais ils comprennent plus que quiconque notre société. Puisqu’ils ont saisi que chez nous, le travail ne procure guère une identité sociale, il faut miser plus sur les apparences pour se faire passer pour le personnage qu'on rêve, et les gens te prennent au sérieux.

KMNGN