CONTEXTE MONDIAL
Cette crise sanitaire qui a sévèrement frappé l’Asie puis l’Europe et l’Amérique du Nord, et maintenant l’Afrique, peine à trouver une réponse internationale.
Cette crise portant le visage de la mondialisation n’a pour l’instant reçu que des réponses individuelles et en décalage avec son rythme de propagation.
En France malgré la volonté des pouvoirs publics à apporter une réponse immédiate et efficace, la gestion de cette crise souligne les défaillances accumulées par les services publics depuis plusieurs décennies.
Les pays de l’Union Européenne devront donc s’accorder sur des solutions sanitaires, économiques, et sociales harmonisées. Sans doute en alliant une politique budgétaire (offre et demande) et monétaire expansionniste.
LA NATURE A FAIT SES CHOIX
Cette crise sanitaire sans précédent donnera un nouveau visage au monde, tant sur le plan économique, social, et environnemental :
Une réduction de la dépendance industrielle et productive vis-à-vis de la Chine, à travers une vague de relocalisation des biens et services essentiels.
L’impact sur le plan social est sans appel, avec une requalification régalienne des secteurs de la santé et de l’éducation. Des pays tels que les États-Unis devront certainement redéfinir leur processus de développement en favorisant l’équité et l’inclusion de leurs mécanismes de croissance.
Un retour « anticipé » des migrants Sub-sahariens dans leurs pays d’origine peut remettre en question l’axe de migration Europe – Afrique. Et ainsi débloquer des situations géopolitiques et militaires complexes (conflit libyens, groupes terroristes au Sahel, etc.).
Sur le plan environnemental, les comportements micro-économiques observés dans plusieurs pays (liée à une peur de pénurie) reflètent la dépendance des individus vis-à-vis des chaînes alimentaires industrielles. Et cette crise sanitaire mènera donc à des réflexions autour d’un rééquilibre de notre modèle de consommation, au profit des chaînes de production courtes et locales (i.e. potagers individuels ou collectifs).
Enfin, la vitesse de propagation du virus à travers le monde dessine parfaitement la carte de nos déplacements géographiques (aériens, routiers, maritimes). Et ceci nous invite à développer des systèmes de communication à distance plus performants (visioconférence).
Donc à l’heure où la propagation du virus se fait de manière exponentielle, l’une des principales clés reste l’anticipation. Et c’est à ce niveau que l’Afrique peut user de ses leviers en évitant de tomber dans le piège du mimétisme.
QUELLE CONTRE-ATTAQUE AFRICAINE ?
Les États du continent, seront eux aussi fortement impactés par cette crise exogène, tant sur le plan social qu’économique. Cette crise révèle les failles politiques, administratives, et socio-économiques de nombreuses nations africaines. Ces dernières, pour la plupart en léthargies depuis plusieurs décennies, sont secouées de plein fouet et sont poussées dans leurs retranchements.
Les politiques menées par certains bailleurs seront repensées à la sortie de cette crise. Les pays d’Afrique Sub-saharienne devront progressivement apprendre à réduire leurs dépendances économiques, sociales, et culturelles. Ceci en favorisant leurs tissus économiques et industriels au profit des acteurs privés locaux (grands groupes, petites et moyennes entreprises, etc.).
Les Banques Centrales africaines auront un rôle clé à jouer, notamment auprès des États riches en ressources naturelles, ayant une faible diversification de leurs économies et qui subissent les fluctuations des cours des marchés internationaux. Mais également auprès des nations ayant des balances commerciales déficitaires.
Des investissements encadrés et évalués (ex-ante et ex-post) dans les secteurs de l’agriculture, de la santé et de l’éducation, devront être mises en place. D’autant plus que cette crise met à mal les systèmes sanitaires de nombreux pays africains. Par exemple en 2018 au Sénégal, il n’y avait que 4.5 médecins pour 100 000 habitants, 86 hôpitaux, 242 centres de santé, 1250 postes de santé, et 1506 cases de santé. Avec un budget alloué au Ministère de la Santé de plus en plus conséquent (191 milliards F CFA en 2020). Le Covid-19 n’est donc pas un « virus africain » à la vue des ressources financières, humaines, et matérielles qu’elle requiert.
Toutefois, rien n’est perdu pour l’Afrique, bien au contraire ! Face à l’urgence, l’innovation et la solidarité africaine doivent être de rigueur. Un « confinement à l’africaine » peut être mis en place à travers un déploiement humain et financier national et/ou intra régional, accompagné d’actions individuelles et locales. Cependant cette réflexion et sa mise en action se doit d’être endogène et apolitique, en faisant appel à l’intelligence collective des acteurs du développement humain et économique.
Si l’on prend l’exemple du Sénégal où le taux de pauvreté était de 47% en 2011 et où chaque année les zones de famines ne cessent de s’accroître (2.7% de la population étaient entre une situation de crise et d’urgence alimentaire en 2019), un confinement total tel qu’en Asie ou en Europe peut être un facteur d’aggravation.
L’État se retrouverait ainsi face au dilemme suivant : COVID-19 ou famine. Dans le sens où des millions de ménages subviennent à leurs besoins grâce à des dépenses journalières (day-by-day) issus d’une ou de plusieurs activités du secteur informel.
Et suite à la fermeture des lieux de rassemblements (marchés), un confinement total et indéfini sans ressources de subsistance peut s’avérer catastrophique pour plusieurs de ces ménages.
Néanmoins les décideurs publics peuvent s’appuyer sur un système de déploiement mutualisé entre les forces de sécurité (militaires, gendarmes, policiers) et les forces sociales (collectivités locales, ONG, chefs de quartiers, chefs religieux et coutumiers, étudiants, badienou gokh). L’identification de ces personnes et entités ressources est un atout majeur pour une gestion de crise efficace et paisible, étant donné qu’elles bénéficient d’une forte influence auprès des communautés.
Cette mutualisation des forces peut être mobilisée dans le cadre d’une distribution de denrées alimentaires et de produits phytosanitaires dans toutes les zones du pays. Ces subsistances peuvent d’une part émaner d’un subventionnement gouvernemental (plan d’urgence) ou de bonnes volontés (entreprises et particuliers). Et d’autre part, de la production agricole locale qui subira sans doute des phénomènes d’invendus suite à la fermeture partielle ou totale des points de distribution et de vente.
Ce type d’action rappelle les politiques mises en place dans les années 60 durant les périodes de soudures. En effet, pendant l’hivernage lorsqu’il n’y avait plus de réserve de récoltes, les paysans subissaient des épisodes de famines. A l’époque le Président Senghor faisait appel aux pays occidentaux qui chargeaient des bateaux de denrées (œufs, d’orge, etc.). Ces aliments étaient ensuite distribués aux habitants des villes et des villages par l’intermédiaire des chefs de quartiers. Ce système nécessite donc la volonté, la clairvoyance, et l’organisation minutieuse de toutes les forces vives à chaque strate de la nation.
Cette méthode de confinement permettrait ainsi de limiter dans le temps la propagation du virus et de fournir une bouffée d’oxygène aux établissements sanitaires croulant sous un déficit matériel, humain, et financier. Tout en assurant un service de biens et services essentiels aux populations les plus vulnérables.
De plus, à quelques semaines du Sommet Afrique-France initialement prévu pour le mois de juin 2020 sous la thématique de la « Ville africaine », les collectivités locales africaines peuvent s’allier aux acteurs privés et mobiliser leurs actions publiques en usant de leurs influences auprès des populations.
Les entreprises du privé peuvent également développer et encourager leurs salariés aux nouvelles formes de travail à distance. En incitant notamment les acteurs Télécom à garantir l’accès au réseau de connexion à distance.
La mobilisation des sociologues est tout aussi primordiale dans le but mettre en phase les sociétés africaines et cette nouvelle crise sanitaire, comme ce fut le cas lors de la lutte contre le virus Ébola. Il est donc essentiel de maximiser les bonnes pratiques issues de cette récente expérience.
Cette bataille psychologique passe également par des vecteurs spirituels et culturels essentiels au bon moral des populations, dans une lutte contre un ennemi invisible. Par exemple, une ouverture partielle et encadrée des lieux de culte (Mosquées, Églises, Temples, etc.) peut être accordée.
Enfin, sur le plan médical le débat suivant est soulevé : l’Afrique peut-elle se permettre d’attendre les résultats de tests cliniques liés au traitement à la Chloroquine développé par le Pr Raoult en France ?
Il existe certes quelques incertitudes sur le plan scientifique, concernant la méthodologie de traitement in-vitro (placebo), les effets secondaires, et le taux de guérison sur un large échantillon. Mais l’organisme des populations africaines est familier à ce traitement souvent prescrit comme antipaludique ; et des résultats favorables pourront limiter la vitesse de contagion du virus sans encourir un confinement strict.
Quoi qu’il en soit une fenêtre d’espoir est ouverte, et elle fait sans doute appel à un partenariat entre les chercheurs asiatiques et occidentaux (dont le Pr Raoult), et les éminents laboratoires de recherche africains. Par conséquent les nations africaines peuvent avoir un effet de levier en mutualisant et en mettant à contribution les pays « qui sont à leurs chevets » depuis plusieurs décennies.
Une chose est sûre, le COVID-19 a fait son choix en affectant toutes les nations à la même enseigne de « pays en développement » !
Fatou CISSÉ-Responsable Groupe Initiative Afrique (GIAF) Junior
Une excellente analyse !
Vous nous avez ouvert les yeux sur nos faiblesses, nos atouts et nos opportunités de l’après covid 19.