Dans la longue bataille que se livrent la Sénégalaise des Eaux et la multinationale française, Suez pour la production et la distribution d’eau potable en zone urbain et péri-urbain au Sénégal, le groupe sénégalais vient de subir un revers qui risque de lui être fatal.
Par courrier en date du 13 juin 2019, Saër Niang, directeur général de l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP), transmettait à Serigne Mbaye Thiam, ministre de l’eau et de l’assainissement, la décision N° 093/19/ARMP/CRD/DEF du 29 mai 2019 rendue par le Comité de régulation des différents (CRD).
Cette décision est relative au « Recours de la sénégalaise des eau (SDE) pour contester l’attribution provisoire de l’appel d’offre international relatif à la sélection d’un opérateur pour la gestion du service public de production et de distribution d’eau potable en zone urbain et péri-urbain au Sénégal. »
Pour rappel, le 30 avril 2019, la sénégalaise des eaux (SDE) a saisi le Comité de règlement des différends, pour contester de la délégation de service public relative à la production et la distribution d’eau potable en zone urbain et péri-urbain.
A l’issue du processus de passation des marchés, marqué par l’évaluation de la pré-qualification, l’évaluation des offres techniques de la première étape, et enfin, à la deuxième étape, des offres techniques mises à jour, et des offres financières, le Ministère de l’Hydraulique avait décidé d’attribuer provisoirement le marché à Suez Group.
Recours devant le Comité de règlement des différends
Pour montrer son désaccord sur la décision ministérielle, la SDE avait introduit un recours gracieux, suivi d’un autre devant le Comité de règlement des différends (CRD). Et ce dernier ayant jugé le recours de la SDE recevable, avait ordonné la suspension de la procédure. Après examen du fond, le Comité de règlement des différends à ordonner la reprise de la procédure par décision N°027/19/ARMP/CRD le 13 février 2019.
A la suite de cette notification, le Ministère a fait reprendre l’évaluation reçu à la deuxième étape, et soumis les résultats issus de cette évaluation à la Direction centrale des marchés publics (DCMP) pour avis. Le Ministère de l’Hydraulique ayant reçu un avis de non-objection de la DCMP, le fait publier au journal « Le Soleil » du 19 avril 2019.
C’est à la suite de cela, que la SDE, pour s’enquérir des motifs du rejet de son offre, introduit un recours gracieux auprès du Ministère de l’Eau et de l’assainissement le 23 avril 2019. Après réception de la réponse de la tutelle, et l’ayant jugé insatisfaisante, elle introduit un recours contentieux devant le Comité de règlement des différends le 30 avril 2019.
Les griefs de la SDE et les motifs du rejet de son recours
Ayant examiné le dossier sur la forme, le CRD a jugé le recours de la SDE recevable et à ordonner la suspension de la procédure de passation, par décision N° 034/19/ARMP/CRD/SUS du 7 mai 2019. Cette décision a été notifiée au Ministère de l’Eau et de l’Assainissement qui a été invité de transmettre toutes les pièces nécessaires à l’examen du recours de fond. Ainsi, le 23 mai 2019, le Ministère transmet au CRD divers documents demandés.
La SDE reproche entre autre à Suez Group, de « conflit d’intérêts, le non-respect de la décision du Comité de règlements des différends et des dysfonctionnements sur la revue de conformité. » Elle reproche aussi au Ministère de n’avoir pas respecté quelques règles sur la procédure de passation des marchés.
Sur le conflit d’intérêts, le Comité de règlement des différends (CRD) a débouté la SDE, estimant que le « Conflit d’intérêt n’est pas fondé ». Ce grief de la SDE est fondé sur le fait que Suez Group a participé à la construction de l’usine KMS 3, et qu’elle aurait eu accès à certaines informations pouvant l’avantager dans l’appel d’offre.
A ce propos, le CDR a décidé que le fait de concevoir et construire l’usine KMS 3 par le groupe SUEZ Internationale/CDE et la participation de Suez Group au contrat d’affermage ne constitue pas une situation de conflit d’intérêt, tel que décrit dans le DAO (dossier d’appel d’offre). Elle estime aussi que « La discrimination entre candidat », dont se plaint la SDE « n’est pas fondée ».
Un combat perdu ?
Dans ce même ordre d’idée, elle soutient que « La commission des marchés du ministère de l’eau est fondée à conclure que l’offre de la SDE, à la deuxième étape n’est pas conforme, de manière substantielle, sur le reclassement de besoin de retours, en biens de reprises et la projection de nombres de branchements sociaux », allant ainsi à l’encontre de l’argumentaire de la SDE selon lequel, la Commission n’était pas compétente. De même, elle juge qu’« il n’y a pas lieux de procéder à la vérification sollicitée par la SDE sur les prix des branchements proposés par les soumissionnaires ».
Ayant rejeté l’ensemble des griefs de la SDE, le Comité de règlement des différends de l’Agence de régulation des marchés publiques (ARMP) « Déclare le recours de la SDE mal fondé et le rejette, en conséquence », et « Ordonne la confiscation de la consignation et ordonne la poursuite de la procédure ».
Ce revers de la Sénégalaise des Eaux (SDE) scelle presque le sort de la procédure de passation des marchés. Même s’il lui reste encore d’autres possibilités de recours, ce serait un miracle que la production et la distribution de d’eau potable en zone urbain et péri-urbain au Sénégal n’échoit pas au groupe Suez.
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