BORDEL JUDICIAIRE

26 - Mai - 2019

Nous ne sommes pas égaux devant la justice - Dire que l’annulation des PV d’enquête par la Cour d’Appel, n’a aucune incidence annulatoire sur la procédure dans l'affaire Khalifa, c’est légaliser l’illégalité

Le jeudi 9 mai 2019 à la barre du tribunal correctionnel de Dakar, Me Bamba Cissé, avocat de Thione Seck, s’est adressé au juge Maguette Diop en ces termes : « Monsieur le président, nous demandons l'annulation de la procédure pénale parce que qu'il y a violation de l'article 5 de l'Uemoa. Lorsque Thione Seck a été arrêté, il n'avait pas la possibilité d'être assisté par son avocat. Donc cette obligation incombe à toutes les enquêteurs et à tous les procureurs. C'est le même procédé qui a été appliqué dans l'affaire Khalifa Sall par la Cour Suprême qui a déclaré nulle la procédure d'enquête préliminaire. Donc, je vous demande d'annuler le procès verbal et toutes procédures préliminaires concernant l'affaire Thione Seck. Car, les enquêteurs ont refusé la présence des avocats. Et l'annulation devra avoir comme conséquence, la levée du mandat de dépôt en ce qui concerne mon client ».

Ousmane Sèye, autre conseil du leader du Ramdan, renchérit : « Le renvoi du dossier n'a pas de fondement légal, étant donné que le procès-verbal, suite à laquelle le maître des poursuites s'est basé, est nul. Donc nous vous demandons de vous dessaisir, monsieur le président. Dans l'affaire Khalifa Sall, c'est le procureur général de la Cour d'Appel lui-même qui a annulé la procédure verbale parce qu'il a constaté que l'article 5 de l'Uemoa a été violé. Le réquisitoire du procureur se base sur le procès-verbal et si cela est annulé, le tribunal n'a aucune base légale pour se prononcer dans l'affaire. »

Finalement, ils ont eu gain de cause lors de la comparution de leur client le 23 mai dernier. En effet, le président de la deuxième Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Dakar, le juge Maguette Diop, a annulé la procédure pour détention de signes monétaires, tentative d’escroquerie, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent enclenchée contre le chanteur-compositeur Thione Balago Seck. Ainsi, cette décision du juge entraîne la relaxe du lead vocal de l’orchestre « Ram Daan » qui avait fait huit mois de prison avant de bénéficier, le 12 février 2016, d’une liberté provisoire.

Le juge Maguette Diop a estimé que, lors de l’enquête préliminaire, les enquêteurs de la Section de recherches de la gendarmerie n’avaient pas respecté le règlement numéro 05 de l’UEMOA, alinéa 1 du 25 septembre 2014, relativement aux nouvelles compétences de l’avocat, exigeant que les prévenus soient assistés d’un avocat et que cela est une formalité substantielle. L’article 5 alinéa 1 du Règlement N°05/CM/UEMOA est rédigé comme suit : « Les avocats assistent leurs clients dès l’interpellation durant l’enquête préliminaire, dans les locaux de la police, de la gendarmerie ou devant le parquet ». Le magistrat a aussi demandé la main levée d’Alaye Djité, co-accusé de Thione Seck. Même si l’affaire n’est pas encore épuisée puis que le Procureur Seydina Oumar Diallo a interjeté appel car le juge a condamné la violation des droits de la défense, mais n’a pas statué sur les faits. Mais avec cette décision, l’on note au moins une avancée dans le respect des droits de la défense.

De la nécessité de se faire assister par un avocat dès la première interpellation

Mais ce qui est étonnant et détonnant, c’est que ce même juge, assesseur dans l’affaire Khalifa Sall a, co-refusé catégoriquement d’appliquer, dans le jugement de l’alors maire de Dakar, cette formalité substantielle dont l’absence entraine l’annulation de la procédure. Nous assistons à un véritable bordel judiciaire sans précédent dans notre pays. A chaque juge, sa justice ! La pagaille judiciaire que craignait l’ex-député Moustapha Diakhaté, après la sentence sur l’affaire Thione, a commencé.

Bizarrement, Me Bamba Cissé qui avait soulevé la même exception de nullité dans l’affaire Khalifa Sall soutient que « la différence de résultats dans les dossiers de Khalifa Sall et celui de Thione ne peut être qualifiée de faille judiciaire ou d'une justice à deux vitesses, mais c’est une divergence de position, d’appréciation ». En la matière, il n’y a pas d’appréciation intuitu personae, mais application impersonnelle des textes. Or en l’espèce, le texte de la Cedeao ne souffre d’aucune ambiguïté. L’assistance de l’avocat à la première interpellation est un acte de droit de la défense, ce qui lui confère cette importance de nature à justifier la nullité de la procédure. L’enquête préliminaire a pour objectif de recueillir les renseignements nécessaires à la justice afin d’établir l’existence ou l’absence d’une infraction pénale. Et c’est sur cette base que le Doyen des juges a fondé son interrogatoire inculpatoire.

L’assistance de l'avocat dès la première interpellation est capitale en cela qu’elle pourrait ainsi, par les conseils prodigués à la personne mis en cause, permettre à celle-ci d'exercer ce droit en toute connaissance de cause. Et comme le dit l’avocat Anthony Bem « la présence de l’avocat permettra souvent de faire en sorte que le droit au silence soit une réalité, réalité que la police ne souhaite pas révéler à la personne interpellée ou gardée à vue afin qu'il n'entrave pas les nécessités d'une enquête qui a, entre autres objets, celui d'obtenir des aveux ». Ce qui fait dire à son collègue, l’avocat au barreau de Nantes, Elsa Monceaux, que « le droit au silence implique par conséquent le droit de ne pas parler sans encourir de responsabilité pénale directe ». Par ailleurs, « l'entretien avec un avocat apportera à la personne gardée à vue un certain réconfort, sur le plan psychologique et moral, de sorte qu’elle sera mieux armée pour résister à d'éventuelles pressions qui pourraient être exercées par les enquêteurs », précise Me Bem.

Vice de procédure dans l’affaire Khalifa Sall

Aujourd’hui des avocats du diable s’arc-boutent piteusement sur le rapport de l’IGE (un rapport jamais déclassifié) pour régulariser la procédure dans l’affaire Khalifa Sall. Dire que l’annulation des PV d’enquête de l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) par la Cour d’Appel, n’a aucune incidence annulatoire sur la procédure, c’est vouloir légaliser l’illégalité.

Dans l’affaire Khalifa Sall, l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao que les conseils de Khalifa Sall avaient saisie indique clairement une reprise de la procédure viciée depuis l'audience préliminaire de la police judiciaire. La loi a été violée le 21 février 2017 durant son audition à la DIC, sans l’assistance de son conseiller juridique. Son avocat Me El Hadji Diouf s’est heurté au refus catégorique des officiers et agents de police judiciaire, d’appliquer ce texte de l’Uemoa que le Sénégal a ratifié. Une telle attitude était encouragée par le Procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye (patron des OPJ), et son supérieur hiérachique, l’alors ministre de la Justice Sidiki Kaba.

Cela en violation de l’article 14, alinéa 3-d du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du règlement n°05/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA en son article 5, de l’article 9 de la constitution alinéa 4 et de l’article 55 bis du code de procédure, alinéa 10, 11, 12, 13, 15 qui traitent tous du « droit à l’assistance par un conseil dès l’interpellation au niveau de la police ou dès la première comparution devant le juge d’instruction». Et au cas où cette formalité substantielle serait inappliquée, l’article 55 bis alinéa 10 du code de procédure pénale dispose que « le procès-verbal d’audition préliminaire par les officiers de police judiciaire est frappé de nullité ».

Même quand le Doyen des juges d’instruction, Samba Sall, interrogeait, le 7 mars 2017, l’ex-maire de Dakar et compagnie avant de les inculper et les placer sous mandat de dépôt, leurs avocats, sur la base de l’article 5 alinéa 3 du règlement N°05 «devaient défendre leurs clients dès la première comparution devant le juge d’instruction ». Mais la clarté de ce texte n’a pas empêché le juge d’instruction de ramer à contre-courant de ce que dit la loi.

Et en dépit du recours des conseils de Khalifa Sall au niveau de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel appelée à se prononcer sur la nullité du procès d’enquête préliminaire pour inobservation d’une formalité substantielle, l’ex-député maire fut maintenu en prison. Et nonobstant l'arrêt de la Cedeao qui prône une reprise de la procédure entachée de plusieurs irrégularités et illégalités, Demba Kandji, le président de la Cour d'Appel avait décidé de passer outre ces exceptions qui ont force annulatoire pour les joindre au fond.

Une justice à la tête du client

Il est clair que la justice sénégalaise fonctionne à géométrie variable, c’est une justice à la tête du client. Tout le monde savait dans cette affaire de faux billets que Thione Seck, en liberté provisoire, allait être relaxé par tous les moyens depuis qu’il a été reçu en audience le 30 septembre 2018 par le président Macky Sall. Le prétexte de cette rencontre, la présentation par le crooner d’un projet musical africain intitulé «La Cedeao en chœur», qui réunit plusieurs artistes du Sénégal et des pays de l’entité communautaire. Aujourd’hui, malgré le simulacre d’appel du procureur pour le respect des formes, il appert que Thione Seck ne sera plus inquiété par la justice sénégalaise sur cette affaire grâce à l’immunité que lui confère sa proximité avec le premier magistrat de la République.

Il est avéré que nous ne sommes pas égaux devant la justice. Et l’injustice que subit Khalifa Sall depuis plus de 800 jours le prouve amplement. Nous l'avons toujours dit et redit, cette affaire Khalifa Sall n'est qu’une machinationpolitique dont l'objectif ultime était de se débarrasser d'un candidat qui pouvait compromettre la réélection de l'actuel président de la République. Les problèmes de bonne gouvernance, Macky n’en a cure. Sinon il aurait appliqué la même recette à son frère Aliou dans l’affaire Pétrotim, à l’ex-directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Cheikh Oumar Hanne, dont le rapport 2014-2015 de l’Ofnac a épinglé la gestion calamiteuse, à son ex-ministre de la Jeunesse Mame Mbaye aussi, que le scandale du Prodac a littéralement éclaboussé.

 

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