Étant hors du pays, je me suis fait représenter aux obsèques de Bruno Diatta et j’ai voulu attendre quelques jours, le temps que la clameur s’apaise, pour être mieux entendu car mon témoignage de 12 ans de collaboration avec l’un des plus grands serviteurs de l’Etat est, je crois, important et doit être entendu.
Lors de la cérémonie de remise des clefs de la Présidence, en me quittant, le Président Abdou Diouf m’a dit : ‘’Ablaye, comme il m’a toujours appelé affectueusement, je te conseille de garder Bruno.’’
j’ai gardé Bruno Diatta à mon service pendant mes douze ans de mandat présidentiel et je ne le regrette pas.
A mon tour, en quittant le Palais j’ai rappelé à mon successeur ce que m’avait dit le Président Diouf et je lui ai répété la même chose.
Bruno Diatta, diplômé de l’ENAM, Section diplomatique, est ambassadeur dans l’âme et appartient au corps des ambassadeurs de la République dépendant du Ministère des Affaires étrangères. Détaché tôt à la Présidence de la République par le Président Senghor qui l’avait remarqué, pour exercer les fonctions de Chef du Protocole, il y a passé toute sa carrière et vient, comme on dit, de mourir à la tâche car, jusqu’au dernier moment, demeurant en activité au-delà de l’âge normal de la retraite, Bruno était un homme dont on ne pouvait pas se détacher, non point parce qu’il était irremplaçable – personne n’est irremplaçable- mais parce qu’il était inimitable
L’homme est un être délicat, parlant peu, efficace, gros travailleur de jour et de nuit. Son égale humeur rendait sa compagnie toujours agréable.
Les Chefs d’Etat qu’il nous a aidé à recevoir se souviennent de lui et demandent de ses nouvelles en utilisant familièrement son prénom : Et M. Buno ?
Il n y a pas de race Bruno Diatta car il est exceptionnel. Aucun chef du protocole de la présidence ne fera encore 4 présidents et, peu ou prou, 50 années de service.
Un jour, regardant cet homme qui travaillait plus que tout le monde j’ai pensé améliorer sa condition en le nommant Ministre Chef du protocole d’Etat de la Présidence de la République, il a souri et a décliné poliment : M. le Président, vous savez, ‘’je ne suis pas comme ça, je ne tiens pas aux titres’’.
Pour moi, ce n’était pas seulement une question de titre mais un moyen de rémunérer plus équitablement l’immense travail qu’il accomplissait.
Je l’ai quand même hissé au-dessus de ‘’simple ambassadeur’’ en lui adjoignant le titre de Ministre.
En renouvellent mes condoléances à sa famille qui trouvera toujours en moi un père et un grand-père, je prie Dieu de recevoir son serviteur Bruno Diatta en son Paradis.
Dakar, 24 septembre 2018
Abdoulaye Wade
Ancien Président de la République du Sénégal