Aucune disposition juridique ne permet d’invalider la candidature de Khalifa SALL en 2019

13 - Janvier - 2019

Aucune disposition juridique ne permet d’invalider la candidature de Khalifa SALL en 2019
« Le Conseil Constitutionnel n’est ni un tribunal, ni une Cour d’appel, encore moins la Cour suprême »
Avec le document technique, d’une portée scientifique sur le rabat d’arrêt intitulé « Doctrine » produit par l’actuel Président de la Chambre criminelle de la cour suprême (Abdourahmane DIOUF) en 2014, le débat sur le caractère suspensif du rabat d’arrêt appartient définitivement au passé. Le pool d’avocats constitué par l’Etat, dont Maître Boubacar Cissé est le porte-parole le plus en vue, semble d’ailleurs avoir renoncé à défendre l’indéfendable. Le régime porte désormais tous ses espoirs (d’une invalidation) sur le Conseil Constitutionnel, à qui revient la charge d’examiner la recevabilité de la candidature de Khalifa SALL.

La question posée est la suivante : les textes en vigueur permettent-ils d’invalider la candidature de Khalifa SALL aux présidentielles de 2019 ? Pour répondre à cette question, il convient d’analyser les décisions du Conseil Constitutionnel depuis 1993, portant sur la publication de la liste des candidats à l’élection du Président de la République :

 Affaire N°1/E/93 relative à la publication de liste des candidats à l’élection présidentielle du Président de la République du 21 février 1993 – Séance du vendredi 22 janvier 1993
 Affaire N°1/E/2000 relative à la publication de liste des candidats à l’élection présidentielle du
Président de la République du 27 février 2000 – Séance du vendredi 28 janvier 2000
 Affaire N°1/E/2007relative à la publication de liste des candidats à l’élection présidentielle du
Président de la République du 25 février 2007 – Séance du vendredi 26 janvier 2007
 Affaire N°1/E/2012 relative à la publication de liste des candidats à l’élection présidentielle du Président de la République du 26 février 2012 – Séance du vendredi 27 janvier 2012 L’analyse approfondie des décisions du Conseil Constitutionnel de 1993 à 2012, pour établir la liste des candidats à une élection présidentielle permet d’aboutir aux conclusions suivantes :

- Le premier constat est que depuis sa création en 1992, le Conseil Constitutionnel n’a jamais publié la liste provisoire des candidats à l’élection du Président de la République le dimanche (la liste provisoire a toujours été publié un vendredi). En l’absence de réclamation d’un candidat, cette liste est définitive.
- Les dispositions juridiques invoquées par le Conseil Constitutionnel de 1993 à 2012 (Constitution, Loi organique du Conseil Constitutionnel et Code électoral) pour examiner les candidatures à une élection présidentielle ne permettent pas d’éliminer la candidature de Khalifa SALL aux présidentielles de 2019,

- Aucune candidature à l’élection présidentielle n’a été déclarée irrecevable, de 1993 à 2012, par le Conseil Constitutionnel au motif qu’il ne serait pas en règle avec la législation fiscale,

- De 1993 à 2012, seuls 4 candidats ont été recalés par le Conseil Constitutionnel pour défaut de
parrainage (les candidats Yoro Fall en 2007 ; Abdourahmane SARR, Keba KEINDE et Youssouf N’Dour
en 2012).

1. La recevabilité de la candidature de Khalifa SALL, au regard des textes actuels
Les compétences du Conseil Constitutionnel sont strictement délimitées par la loi organique n° 2016- 23 du 14 juillet 2016. La candidature de Khalifa SALL doit être examinée, au regard des articles 4 et 28 de la Constitution, et des articles L.57, et L.115 à L.122 de la loi n° 2018-22 du 04 juillet 2018, portant révision du code électoral. Par ailleurs, les dispositions des articles 4 et 28 de la Constitution sont reprises textuellement par les articles L.115 et L.116 de la loi n° 2018-22 du 04 juillet 2018, portant révision du code électoral. Khalifa SALL est un citoyen qui jouit de ses droits civiques et politiques. A ce jour, aucune décision judiciaire n’a prononcé à son encontre une privation de droits civiques et politiques (les dispositions de l’article 34 du code pénal ne lui sont applicables).

Il convient de préciser que la notion d’inéligibilité est fortement encadrée. Dans sa décision N°1/E/98 et N°2/E/98,
le Conseil Constitutionnel a rejeté la requête du Ministre de l’Intérieur visant à contester la recevabilité de 10 déclarations de candidature à l’assemblée nationale, au motif que les candidats ne figuraient pas sur le fichier électoral. Le Conseil Constitutionnel a clairement écarté l’inéligibilité et rejeté la requête du Ministre de l’Intérieur, au motif que les « règles relatives aux inéligibilités, comme celles qui établissent les limitations aux candidatures doivent toujours faire l’objet d’une interprétation restrictive et ne doivent être étendues à des cas non expressément prévus ».
C’est clair, net et précis : l’inéligibilité et la limitation des candidatures sont strictement encadrées.

Au regard de la loi sénégalaise actuelle, il n’est écrit nulle part qu’une personne dont la condamnation 2 n’est pas définitive ne pourra briguer la magistrature suprême. Jusqu’à preuve du contraire, la loi sénégalaise est ainsi faite.

2. La loi actuelle garantit à Khalifa Sall, une participation au scrutin présidentiel du 24 février 2019
D’un point de vue juridique, la candidature de Khalifa SALL aux élections présidentielles de 2019 est irréversible (le rejet d’une partie de ses pourvois par la Cour suprême le 03 janvier 2019, n’a aucun impact sur sa candidature ; sa condamnation n’étant pas définitive, puisque le rabat est suspensif).

Le Conseil Constitutionnel n’est ni un tribunal d’instance, ni une Cour d’appel, encore moins la Cour suprême. Le Conseil Constitutionnel n’a aucune compétence pour priver un citoyen de ses droits. Si sa compétence pour examiner la recevabilité de la candidature de Khalifa SALL est reconnue, il ne lui appartient de se substituer à la Cour suprême pour interpréter si la condamnation de Khalifa Sall est définitive ou pas. Une condamnation ne se présume pas, elle se constate (au demeurant, l’arrêt de la Cour suprême ne mentionne pas que la condamnation de Khalifa SALL est définitive).

Le Conseil Constitutionnel comme son nom l’indique a pour rôle essentiel de vérifier la conformité des lois par
rapport à la Constitution. Il ne doit pas en aucune façon outrepasser ses compétences en matière électorale, définies par la Constitution, la loi organique° 2016-23 du 14 juillet 2016 et le Code électoral. La recevabilité des candidatures est appréciée au regard de la loi. La loi sénégalaise a permis à Khalifa SALL d’être élu Député (représentant de la Nation), alors qu’il est privé de liberté. De même, la loi sénégalaise actuelle permet parfaitement à Khalifa SALL de briguer la magistrature suprême. Aucune disposition de la Constitution (articles 4 et 28) et de loi N°2018-22 du 04 juillet 2018, portant révision du Code électoral (article L.57, et articles L115 à 122) ne permet aujourd’hui
d’invalider la candidature de Khalifa SALL.

En vérité, le Conseil Constitutionnel ne peut invoquer aucune disposition juridique pour invalider la
candidature de Khalifa SALL. Les 7 « Sages » doivent appliquer la loi, rien que la loi.

Conclusion :

La vigilance s’impose puisque le Conseil Constitutionnel nous a habitué à enfreindre la loi pour
satisfaire les désirs du Prince Macky SALL. En 2016, le Conseil Constitutionnel s’est révélé incapablede fonder son argumentaire sur la substance des dispositions de la Constitution (l’esprit et la pratique ont été convoqués). Lors des élections législatives du 30 juillet 2017, le Conseil Constitutionnel (séance du 26 juillet 2017) a enfilé les habits du législateur pour autoriser les citoyens sénégalais, de pouvoir voter avec d’autres pièces que celles prévues par la loi (carte biométrique CEDEAO faisant office de carte d’électeur). Ce faisant, le Conseil a violé de manière flagrante la loi et outrepassé ses compétences. Va-t-il rééditer sa forfaiture avec la candidature de Khalifa SALL aux élections
présidentielles de 2019 ?

Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

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