La grogne contre Orange prend de l’ampleur au Sénégal

06 - Août - 2020

Depuis la décision du groupe Orange, le 22 juillet, d’augmenter certains de ses forfaits mobiles au Sénégal, les abonnés et associations de consommateurs s’organisent. Ils menacent de migrer massivement vers les opérateurs concurrents, alors que leur facture augmente.
La grogne contre Orange prend de l’ampleur au Sénégal
Les dépenses en télécommunications représentent une part importante du budget des Sénégalais.

Les consommateurs sénégalais s’organisent. Ils contestent la hausse des tarifs de certaines offres mobiles d’Orange, premier opérateur téléphonique du pays. Orange détient plus de 50 % de parts de marché local via sa filiale Sonatel. Or depuis le 22 juillet, il a décidé de changements dans les tarifs de ses offres « illimix », des forfaits prépayés vendus pour une durée journalière, hebdomadaire ou mensuelle, et associant appels et Internet pour une durée limitée. Comme dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, les Sénégalais utilisent leur téléphone mobile en achetant ces forfaits prépayés.

« J’avais l’habitude de prendre l’illimix mensuel à 5 900 francs cfa (9 € environ) ce qui me permettait d’avoir 900 mn d’appels. Mais désormais, ce passe coûte 7 400 francs cfa (environ 11€) pour 600 mn d’appels seulement ! Mon budget téléphone commence à peser lourdement sur mes finances… » rapporte Dieynaba, jeune dakaroise.

L’Internet sur mobile est très répandu

Les Sénégalais sont devenus hyper-connectés : selon l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP), il y avait près de 9,6 millions d’utilisateurs d’Internet dans le pays, dont environ 88,6 % via mobile, en 2018. « Les dépenses en télécommunication sont devenues presque aussi importantes que celles en alimentation », note Momar Ndao, président de l’Association des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN).

La suppression des forfaits prépayés les plus populaires a donc provoqué une levée de boucliers. Elle se voit sur les réseaux sociaux où les mots-clés #BoycottonsOrangeSenegal ou #BoycottOrangeSN sont devenus très populaires. Les appels au boycott et les invitations à changer d’opérateurs se sont multipliés. Et des tweets rappellent que les utilisateurs peuvent changer d’opérateurs sans modifier leur numéro.

Un contexte peu favorable

Nombre de messages notent que le moment est en effet particulièrement mal choisi pour hausser les tarifs… « Nous sommes en pleine pandémie. Partout dans le monde les opérateurs collaborent avec les gouvernements pour promouvoir le télétravail. Au lieu de ça, Orange manque à son devoir d’accompagnement de la population. La demande est pourtant plus forte et la société continue d’engranger d’importants bénéfices », pointe Ndiaga Gueye, président de l’Association des usagers des Tics (Asutic).

Pour Dame Mbodji, coordinateur du Rassemblement des abonnés d’Orange (RAO), l’opérateur a aussi profité de la période de la tabaski, fête religieuse très importante pour les musulmans, pour faire passer les augmentations « sans aucune concertation ».

Face à ces critiques, Orange a expliqué dans un communiqué du 24 juillet qu’en « quatre ans, les prix de l’Internet mobile ont baissé en moyenne de 70 % et ceux de l’Internet fixe de 83 % » et que le « Sénégal a les tarifs Internet parmi les plus bas d’Afrique ». Le groupe a aussi mis en avant ses investissements pour développer la 4G en installant un réseau de qualité. Mais ces arguments n’ont pas convaincu : « Les services de première nécessité et les outils de travail ne doivent pas être un luxe » argumente Mansour Mboup du RAO.

Le régulateur au centre des critiques

L'Agence sénégalaise de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) est particulièrement critiquée par les associations de consommateurs. « L’ARTP n’a pas fait son travail. C’était son devoir d’interdire la hausse des prix. Cette spéculation se fait avec la tolérance de l’état qui est actionnaire d’Orange » remarque Massokhna Kane, président de SOS Consommateurs.

La contestation a pris une telle ampleur que le président de la république, Macky Sall, s’est exprimé sur le sujet. Lors du conseil des ministres du 29 juillet, il a demandé à l’ARTP « de veiller davantage à la qualité du service délivré par les opérateurs aux usagers, ainsi qu’à la soutenabilité des tarifs appliqués aux consommateurs ».

La grogne pourrait en tout cas être une aubaine pour Free et Expresso, les deux opérateurs 

En Afrique, l’envers de la révolution du mobile

L’Afrique comptait 467 millions de souscripteurs mobiles en 2018 – environ la moitié de la population du continent – selon les chiffres du GSMA, le groupement mondial des opérateurs de téléphonie. En 2020, l’organisme estime que ce nombre pourrait atteindre 725 millions d’abonnés.

Mais ce chiffre est à relativiser. Nombre d’Africains possèdent plusieurs téléphones pour faire face à une couverture inégale et le haut débit (3G et 4G) reste restreint : environ 40 % des connexions.

L’écrasante majorité de la population rurale n’a pas accès au réseau en raison du manque d’infrastructures et, surtout, de faibles revenus. Or, en 2050, les ruraux représenteront encore la moitié des 2,5 milliards d’habitants qui peupleront le continent.

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