Les autorités sénégalaises devraient immédiatement libérer le journaliste Adama Gaye et abandonner toutes les charges retenues contre lui, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Gaye, journaliste et chroniqueur indépendant ayant collaboré avec des agences de presse sénégalaises et internationales parmi lesquelles Kapital Afrik, Jeune Afrique, France24, TV5Monde, et Al-Jazeera, a été arrêté le 29 juillet à son domicile à Dakar, dans la capitale sénégalaise, par la division des investigations criminelles de la police, puis mis en examen le 31 juillet pour actes de nature à compromettre la sécurité publique et pour offense au président avant d’être conduit à la prison de Rebeuss, à Dakar, selon Christian Faye et Koureichi Ba, deux des avocats de Gaye, qui se sont entretenus avec le CPJ au téléphone et par une application de messagerie, et les médias. D’après Faye et Ba, Gaye a été mis en examen en vertu de l’Article 80 relatif aux actes de nature à compromettre la sécurité publique, et de l’Article 254 relatif à l’offense au président du Code pénal du Sénégal, faits punis d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq et de deux ans respectivement, et d’une amende de 1.5 millions de Francs CFA (2 560 US$).
Faye a déclaré que Gaye avait été arrêté et mis en examen suite à la publication sur Facebook de messages critiques à l’égard du Président sénégalais Macky Sall, dans lesquels il alléguait que Sall entretenait une relation extraconjugale ; Gaye dispose d’environ 8 300 abonnés sur sa page publique Facebook. Gaye critique aussi ouvertement le gouvernement sénégalais, selon Faye, Cheikh Ndiaye, autre avocat de Gaye, et des émissions visionnées par le CPJ.
Ces dernières années, Gaye a critiqué à plusieurs reprises, dans des apparitions à la télévision locale et dans des écrits parus dans des publications en ligne et sur les réseaux sociaux, le gouvernement pour sa gestion du pétrole et du gaz, notamment un contrat avec Petro-Tim corporation, selon Faye et Ndiaye. Ce contrat a fait l’objet d’un documentaire de la BBC en juin 2019 intitulé “The $10 Billion Energy Scandal,” qui alléguait que le frère de Sall avait tiré profit de l’affaire, une allégation réfutée par son frère. Gaye a déclaré à l’Agence France-Presse dans un entretien téléphonique le 30 juillet qu’il était « un détenu politique retenu pour ses écrits basés sur des faits précis, des questions vitales par rapport à la souveraineté nationale du Sénégal, notamment la gestion des ressources en hydrocarbures ».
« Les critiques d’Adama Gaye à l’égard du gouvernement sénégalais ne sont pas une raison pour qu’il soit arrêté et mis en examen, et les autorités sénégalaises devraient abandonner toutes les charges retenues contre lui et le libérer immédiatement », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ. « Par ailleurs, le gouvernement devrait s’abstenir de recourir de manière excessive aux lois relatives à la sécurité et devrait supprimer complètement la loi sur l’offense datant de l’époque coloniale. »
Faye a déclaré au CPJ que la prochaine date d’audience de Gaye devant le tribunal n’avait pas encore été fixée et qu’il resterait en détention jusqu’à ce qu’il comparaisse devant un juge pour demander une mise en liberté provisoire.
Le 30 juillet, le Garde des Sceaux sénégalais Malick Sall – qui n’a aucun lien de parenté avec le président – a déclaré qu’il assumait « sa totale responsabilité » dans l’affaire de Gaye, selon une vidéo publiée par le site d’information Dakaractu. « Je ne peux pas, personnellement, en tant que Garde des Sceaux, voir un individu, par ses écrits, par ses déclarations, passer son temps à insulter celui qui incarne l’institution la plus sérieuse, la plus en vue de notre République : le Président de la République », a déclaré Sall en français.
Contactée par téléphone, Tabara Ndiaye, porte-parole de la police sénégalaise, a déclaré au CPJ que Gaye avait été arrêté dans un premier temps pour avoir diffusé des écrits qui étaient contraires à la morale. Ndiaye a indiqué que le procureur avait depuis changé les motifs de son arrestation et que le travail de la police consistait à arrêter les individus et non pas à déterminer si des poursuites devraient être engagées, ou pourquoi.
Les appels du CPJ destinés au porte-parole du gouvernement sénégalais, Abdou Latif Coulibaly sont restés sans réponse.