N'oublions pas que c'est la Justice qui a conduit à l'incarcération de nombreux militants et sympathisants du Pastef pour des motifs souvent dérisoires pour une bonne partie de l'opinion publique sénégalaise. C'est également grâce à cette même Justice qu'ils ont pu retrouver leur liberté, notamment par le biais d'une loi d'amnistie. Décrite comme le bourreau des patriotes, la Justice s'avère finalement salvatrice pour le camp des perdants. Voilà le paradoxe de la Justice.
Si cette institution n'existait pas, nous ne serions pas aujourd'hui enclin à la voir devenir un instrument de règlement de comptes, comme le désirent certains extrémistes du Pastef. Ces patriotes critiquent la "lenteur et l'insouciance" de la Justice concernant les affaires impliquant des acteurs de l'ancien régime.
Rappelons que la République est régie par des lois et des règlements, alors que le royaume semble souvent être guidé par les humeurs d'un individu et de son clan. Malgré les récents défis et les compromis politiques d'un président qui était peu soucieux de la séparation des pouvoirs, notre pays doit demeurer une République civilisée et respectée.
Bien que le président Sall ait eu tous les pouvoirs à sa disposition, la Justice a su exercer la "faculté d'empêcher" comme le soulignent les constitutionalistes. En fin de compte, la Justice reste l'un des piliers fondamentaux de notre République. Comme on le répète souvent, il n'existe pas d'alternative à la Justice.
Cependant, elle peut parfois sembler injuste, lente ou désagréable pour certains, mais elle demeure un stabilisateur des normes sociales, garantissant ainsi la paix et l'harmonie dans la société. À certains moments, elle semble prendre le parti des perdants, laissant l'impression de mépriser les gagnants. Cette perception est d'ailleurs très présente au Sénégal, où des voix s'élèvent pour accuser la Justice et ses représentants, notamment Ousmane Diagne, le ministre de la Justice, qui ne manque jamais de rappeler le caractère juste de cette institution, souvent en décalage avec la vision de l'actuelle majorité parlementaire.
De surcroît, le président de la République, en sa qualité de chef suprême de la magistrature, a récemment incité les Sénégalais à faire "pression sur la Justice", une déclaration pour le moins inédite qui évoque davantage un scénario de film de fiction qu'une réalité politique. Cette erreur de communication de la part du président Diomaye est regrettable, car il est censé incarner la Justice sénégalaise, ignorant que le temps de la Justice ne s'aligne pas avec celui des politiques. Enfin, la justice d'un clan ou l'influence des réseaux sociaux ne doivent pas entraver l'indépendance des juges, ces réseaux n'étant ni des références fiables ni véritablement sociaux.
KMNGN