Macky Sall est enfin sorti de son silence, à croire que sur le sujet de son éventuelle candidature en 2024 il avait perdu la parole. On peut dire qu’il aura fait durer le suspense, sauf qu’il est un dirigeant politique et non un auteur de polar et les sénégalais étaient impatients de connaître la fin de l’énigme, partira, ne partira pas ?
La plupart des chefs d’État ont ceci en commun qu’une fois le pouvoir conquis ils ont les plus grandes difficultés à le restituer alors qu’ils ne sont que les locataires des palais présidentiels et non leurs propriétaires, oubliant qu’ils agissent en qualité de mandataires du peuple, conformément à la locution latine Vox populi, Vox Dei, voix du peuple voix de Dieu, qui avait fait dire à Mirabeau sous la Révolution française, « Nous sommes ici par la volonté du peuple, nous n’en sortirons qu’à la force des baïonnettes ».
Or après deux mandats de Macky Sall, un septennat et un quinquennat les sénégalais aspirent au changement et au renouvellement des élites politiques gouvernant le pays dans le calme et la sérénité. Longtemps le chef d’État a paru sourd à la clameur qui montait de plus en plus fortement, il a semblé aveugle aux mouvements de protestations qui s’exprimaient dans les rues de Dakar et des principales villes du pays, bientôt suivis d’émeutes populaires qui l’on ensanglanté et endeuillé. Il aura fallu une vingtaine de morts pour qu’il réalise que le peuple désavouait ses dirigeants. Autant de vies qui auraient pu être épargnées s’il avait parlé plus tôt, dit clairement qu’il entendait respecter sa parole, et surtout la constitution, et qu’il ne se représenterait pas en février 2024.
Son silence durant des mois a été assourdissant.
Nul doute que cette vingtaine de morts a pesé lourd sur sa conscience car ils en annonçaient peut-être d’autres si, en dépit de la constitution et du bon sens, il s’était obstiné à être candidat à un troisième mandat. Certains prédisaient déjà le chaos, voir la guerre civile au lendemain de sa réélection.
Heureusement la sagesse l’a finalement emportée. La sagesse, mais aussi les pressions venues de toute part, notamment des institutions africaines, Union Africaine, CEDEAO, qui souhaitent permettre l’alternance démocratique, mais aussi de diverses chancelleries occidentales. Pourquoi ce qui s’est accompli pacifiquement au Ghana, au Cap Vert, en Mauritanie, au Niger ou au Nigéria, où les présidents sortants ont décidé de ne pas se représenter, n’aurait-il pas été possible au Sénégal, un pays phare de la démocratie depuis les indépendances des pays d’Afrique de l’Ouest. Un pays pacifique, terre d’hospitalité, de générosité, de solidarité et d’accueil comme le proclame le slogan en wolof teranga.
Alors le président a choisi de s’exprimer, par un discours radio-télévisé, et il a jeté l’éponge comme un lutteur conscient qu’il ne lui fallait pas faire le round de trop s’il voulait préserver ses chances à l’avenir. Car s’il est sorti par ici en 2024, il n’est pas dit qu’il ne réapparaîtra pas par-là, en 2029, mais ceci est une autre histoire. Pour l’heure nous devons saluer cette décision respectueuse du souhait d’une majorité de sénégalais, une décision responsable qui lui permet de sortir par le haut de ces deux mandatures présidentielles. Certes, il aurait encore gagné en hauteur de vues s’il avait indiqué haut et fort qu’il entendait avant tout respecter la constitution, tel un chef d’État loyaliste. Mais ne soyons pas plus royaliste que le roi et respectons sa décision qui ouvre la voie à l’alternance démocratique.
Trop de pays voisins, je pense singulièrement au Mali, au Burkina Faso, et à la Guinée, ont vu ces dernières années le pouvoir politique civil confisqué par des juntes militaires pour ne pas apprécier l’attitude de Macky Sall qui nous préserve de lendemains aventureux et populistes.
Nous devons lui être reconnaissant, qui que nous soyons, de permettre ainsi aux sénégalais dans les mois qui viennent de confronter leurs idées et de participer au débat public qui s’annonce en prévision de la consultation électorale de 2024.
C’est rassurant et salutaire et c’est là le dernier service qu’il aura rendu à notre pays.
Ibrahima Thiam, Président du mouvement « Autre Avenir »