La rubrique ceux et celle feront la présidentielle de 2019 fait un zoom sur Thierno Bocoum, leader du mouvement AGIR. Candidat déclaré à la conquête du suffrage des Sénégalais, M. Bocoum s’engage dans cette bataille avec des atouts non-négligeables. Réussira-t-il le casse du siècle comme Macron l’a fait en France ? C’est toute l’interrogation.
Jeune, audacieux, méthodique et éloquent, Thierno Bocoum rêve d’un destin national comme l’est sa vie. Originaire du Fouta par ses aïeuls, le petit Thierno a vu le jour en 1977 à Kaolack. Il a fait une partie de son enfance entre le Ndiambour (Kébémer) et la Casamance (Vélingara) et a grandi à Thiès. Une grande partie de sa famille réside à Diourbel où il a aussi vécu. Aujourd’hui, il caresse le rêve de succéder à Macky Sall au Palais Roum.
Après sa démission de Rewmi pour "convenance personnelle", certains lui prêtaient l’intention de rejoindre la mouvance présidentielle. Mais ils ont vite compris que le jeune loup de la politique sénégalaise avait d’autres projets. Car très vite, il a porté sur les fonts baptismaux l’Alliance Générationnelle pour les Intérêts de la République (AGIR). Un instrument qui va lui servir d’appareil pour la conquête de la forteresse gardée par Macky Sall.
Quelques temps après le lancement de son mouvement, il annonce officiellement sa candidature à l’élection présidentielle de février 2019. Avec cet énorme challenge, l’ancien parlementaire s’engage dans un combat dont l’issue est incertaine. Il pourrait y laisser des plumes et plomber sa carrière politique.
Mais M. Bocoum s’engage dans cette batail avec des qualificatifs dont peu d’acteurs politiques au Sénégal peuvent se targuer. Parce que, qu’on l’aime ou pas, tout le monde lui reconnait sa constance, ses principes sur la défense des populations, ses qualités morales et son humanisme.
L’homme qui a fait trembler l’Assemblée nationale
Ancien président de la Commission Comptabilité et Contrôle de l’Assemblé nationale qui « est chargée du contrôle, de la comptabilité et de la gestion des crédits inscrits au budget de l'Assemblée nationale », l’homme avait ébranlé l’institution parlementaire en 2013 en exigeant à la Questure de lui transmettre comme l’exige le règlement intérieur les dépenses engagées. Face aux refus de cette dernière, le jeune député a porté à l’attention de l’opinion publique de la situation. Cette posture lui vaudra la perte de son poste puisqu’il a été écarté au prochain renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale.
Mais cela lui vaudra aussi le soutien et l’estime de beaucoup de Sénégalais. Donc, c’est un adepte de la transparence qui se lance à la conquête des suffrages des Sénégalais. Une conquête que ses détracteurs jugent prématuré, car le trouvant très jeune pour prétendre à la magistrature suprême. Des prise de positions qui a poussé le concerné à faire une mise au mise point en publiant sur sa page Facebook un message pour s’offusquer de cette attitude qui vient principalement de certains de ses adversaires politiques.
Comme nous l’écrivions en mai dernier, contrairement à ce que certains pensent, l'homme est tout sauf pressé. Il sait ce qu’il fait et il s’est entouré de jeunes dynamiques, compétents, formés dans les meilleures universités. Ces jeunes sont basés entre Dakar, Paris et Washington. Beaucoup d’entre eux sont dans l’ombre et ne veulent pas apparaître au grand public.
Le Macron sénégalais ?
D’après une source très proche du président du mouvement AGIR, ce sont d’ailleurs ces jeunes qui pilotent sont programme présidentiel. Un programme qui d’après lui est en phase de finalisation. Et d’après notre interlocuteur, « avec Thierno Bocoum, le Sénégal est parti pour une révolution ».
Un mot qui rappelle celui d’un autre jeune qui a réalisé l’impensable en France. Emmanuel Macron. Même si les deux hommes ont des parcours et des cursus totalement différents, les partisans de Thierno Booum voient en lui le Macron sénégalais. Et il est difficile de croire le contraire. Parce que comme Emmanuel Macron, Thierno Bocoum ne se définit ni socialiste, ni libérale. Lors de sa conférence de presse annonçant la naissance de son mouvement, il s’est défini comme un « pragmatique patriotique et résolument panafricaniste ».
Une position qui n’est pas loin de celle de Macron. Mais entre eux, un monde les sépare. Le président français est un ovni politique dont personne n’a vu arriver. Sa montée est si fulgurante qu’il a tout balayé sur son passage. Même s’il n’a jamais été élu, mais il est issue d’une longue tradition française quand il s’agit de choisir son dirigeant. C’est-à-dire un énarque et vrai commis de l’Etat. En somme, Macron est le président type qu’aiment les Français.
Ce vécu de Macron est à l’opposé de Thierno Bocoum qui est un pur produit du milieu politique sénégalais sans lequel personne n’aurait peut-être parlé de lui.
Jeune, mais politiquement très expérimenté
Ancien membre fondateur de REWMI, membre du bureau politique chargé de la communication et coordonnateur des jeunes, Thierno Bocoum était avant sa démission de cette formation politique, l’une des principales voix de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck.
Compagnon de lutte de la première heure de l’ancien maire de Thiès dont il pourrait être un sosie, le chef de fil d’AGIR est conseiller-municipal de la commune des Parcelles Assainies à Dakar depuis 2009-il est réélu en 2014. L’ancien député (il fut élu député en juillet 2012 sous la bannière Benno Bokk Yaakaar) est malgré son jeune âge déjà très aguerri sur le plan politique.
Mais malgré ce vécu, le défi reste énorme pour Thierno Bocoum et ses amis. En effet, dans une classe politique en pleine recomposition avec l’apparition de nouvelles têtes de la même génération (Ousmane Sonko, Bougane Guèye, le juge démissionnaire Ibrahima Dème et l’ex capitaine Mamadou Dièye), tirer son épingle du jeu ne sera pas une partie de plaisir. Surtout en présence des vieux routiers de la politique comme Moutapha Niasse, Osmane Tanor Dieng, Idrissa Seck, Macky Sall, Khalifa Sall, Wade et sa troupe…
Dans son entreprise de conquête du pouvoir, le conseiller municipal des Parcelles Assainies part aussi avec des handicaps. Et le premier d’entre eux est que le mouvement dont il a porté sur les fonts baptismaux est relativement très jeune et n’est pas encore présent sur toute l’étendue du territoire national. C’est conscient de cela qu’il avait entrepris il n’y guère longtemps une tournée nationale pour asseoir son nouveau-né. Même si la tournée a été très bien menée, AGIR reste encore un appareil fragile.
Un programme révolutionnaire pour combler son « inexpérience »
Ensuite, il n’y pas un de grands noms de la politique sénégalaise-du moins pour le moment-, qui soutiennent la candidature de Thierno Bocoum. Or, ce soutien est indispensable pour donner du crédit à son projet politique. S’il arrive à pallier ce gap, il sera un candidat à prendre très au sérieux à la succession de Macky Sall.
Ces quelques points faibles pourraient être comblés par un programme politique original, en rupture de ce que nous ont habitué les acteurs politiques sénégalais. Si Thierno Bocoum et ses compagnons de route réussissent une telle prouesse, il comblera son manque d’expérience qui lui est reprochée, et l’absence de poids lourds de la politique sénégalaise dans son staff.
Parce que quoi que l’on dise, enrôler des briscards du monde de la politique au Sénégal donneraient plus de tonus à sa candidature, comme ce fut le cas avec Macron qui a bénéficié des soutiens de poids lourds de la politique française comme Gérard Colomb, François Bayrou, Philippe de Villiers… Ces ralliements et soutiens ont fortement fait du jeune Macron un candidat sérieux à qui on peut confier les clés de l’Elysée. Thierno Bocoum le sait très bien et y travaille certainement avec ses équipes.
Adepte du travail bien fait, l’homme est très intransigeant sur les principes. Titulaire d’un Master en gestion et en droit des affaires internationales et d’un Master et Diplomatie et Stratégie Centre d'études diplomatiques et stratégiques (CEDS-Paris), Thierno Bocoum a été juriste interne dans un cabinet d’avocat et conseiller juridique d’une entreprise. En 2008, il crée une agence de communication et d’intermédiation. Il est aujourd’hui consultant en stratégie et chargé de cours dans l’enseignement supérieur au Sénégal. Il dispose aussi d'un diplôme en Droit et Pratique Parlementaire et d’un Diplôme d’Etudes Supérieures en Communication (DESC).
L’homme des réseaux sociaux
Ayant compris l’importance du contact avec les populations, le candidat à la présidentielle a initié depuis quelques temps un concept appelé « Qui est en ligne ». Il s’agit des lives facebook sur sa page où il répond aux questions des internautes. Si l’idée en soit est géniale, le danger est qu’il risque de tomber dans la banalité. En effet, faire tous le temps des directs risquent de lasser ses suiveurs qui auront l’impression de regarder du déjà-vu et déjà entendu. Ses conseillers en communication doivent lui dissuader ses sorties répétitives sur les réseaux sociaux où il est l’un des politiques sénégalais les plus suivi avec plus de 100 000 personnes sur Facebook.
En revanche, il doit multiplier les « visites de proximités » qu’il a initié ces derniers temps. En effet, comme il part à la conquête du pouvoir avec un grand retard par rapport à ces rivaux, il doit plus mouiller le maillot que les autres, pour espérer un résultat équivalent, voire plus que ces concurrents. Cependant, la partie est loin d’être gagnée, mais pas impossible.
Maintenant, la question est de savoir s’il a les moyens humains, matériels et financiers pour rééditer l'exploit de Macron au Sénégal en réalisant le casse du siècle. Et ça, nul ne sait.
Diouma DIOUF -RESEAUNEWS