Une étude réalisée par Human Rights Watch, en collaboration avec plusieurs Ong sénégalaises. Ce rapport avait défrayé la chronique. Il n’a visiblement pas impacté sur la résolution effective et durable du phénomène des enfants mendiants. Les dizaines d’Ong qui s’activent dans la protection de ces enfants ont l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau.
Si les révolutions économique et politique sont effectives et font basculer un système, du jour au lendemain, il semblerait que la révolution sociale, elle, prend le chemin inverse. La problématique de la mendicité des enfants n’échappe pas à la règle. Aujourd’hui, au Sénégal, dans un décor urbain composé d’enfants mendiants, s’activent en arrière-plan un certain nombre d’Ong qui, pour la plupart, ne croient plus à la volonté du gouvernement sénégalais d’ôter cette face hideuse de la société. Pour preuve, la coalition d’organisations œuvrant dans ce sens, dénommée Plateforme pour la promotion et la protection des Droits de l’homme (Ppdh) dénonce une léthargie de l’Etat qui trouve son explication dans sa peur de se brouiller avec les religieux. En effet, en vue d’unir leurs forces afin de renforcer leurs actions, 40 Ong agissent ensemble, depuis 2011. Selon son analyse, auparavant, il existait une responsabilité partagée entre parents, communautés, Ong et les religieux maîtres coraniques. La Plateforme pour la promotion et la protection des Droits de l’homme accuse, sans ambages, le gouvernement sénégalais qui, selon elle, a le devoir régalien d’organiser ce secteur. “C’est malheureux de voir la position de l’Etat face à cette situation, surtout après une déclaration du chef de l’Etat au centre Abdou Diouf, qui affirmait que ce problème ne saurait être résolu d’un trait, parce que c’est une question très sensible. Il a même confondu la mendicité et l’islam’’, déclare Ndiaye Daara, facilitateur de la Ppdh.
A l’en croire, cet amalgame créé pour justifier la mendicité des enfants fausse toute entreprise de résolution. En effet, au nom de la plateforme, l’homme affirme que la mendicité n’a rien à voir avec l’islam, même si, à ce jour, la plus haute autorité du pays a réussi à implanter cette confusion constituant une porte de sortie pour les exploitants d’enfants. Si ce phénomène a traversé tous les quatre présidents du Sénégal, pour la plateforme, il apparaît un aspect assez intrigant sous le régime actuel : “L’Etat fait preuve de faiblesse face aux religieux. Pourtant, c’est à lui que revient l’entière responsabilité de châtier les fauteurs et d’organiser ce secteur.’’ Selon lui, des enquêtes menées sur le terrain et des tables de discussions organisées par la Ppdh, il ressort que ces mêmes religieux sont contre la mendicité des enfants qu’ils considèrent être une “pure exploitation, une traite des enfants, voire un esclavage moderne’’. Ils n’en veulent plus. “Touba n’en veut pas, Tivaouane non plus, de même que Coki Louga et Saint-Louis. Malheureusement, dans notre pays, les autorités regardent là où l’Etat leur demande de poser les yeux’’, ditil avec dépit. Aux exploitants d’enfants, ils opposent les méthodes de grands hommes tels que Cheikh Ahmadou Bamba, Mame El hadj Malick Sy et Baye Niasse. Ces derniers faisaient dans la formation socialisante de l’enfant, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Des actions dispersées
A cela s’ajoute un autre aspect plus ou moins méconnu : l’effet de compétition. En effet, le rapport de 2010 de Human Rights Watch a révélé des actions dispersées pour la même cause entre les différentes Ong et au sein de plusieurs directions du gouvernement. Chaque partie s’attelait à plutôt montrer son engagement, au lieu d’une union des forces matérialisée par un plan d’action commun. C’est dans ce contexte qu’est née la Ppdh. “Depuis 2010, nous avons interpellé l’Etat, fait des conférences de presse, des marches, pour une plus grande visibilité de la problématique. Les ambassadeurs ont eux aussi été interpellés, le département d’Etat américain. Nous sommes même partis au siège des Nations Unies pour dénoncer cette situation. Mais, jusqu’à présent, le problème reste entier’’, explique Ndiaye Daara, facilitateur de la plateforme. Selon lui, l’incendie d’un “daara’’ de la Médina, en 2013, ayant causé la mort de 9 enfants, a créé un déclic au sein de l’Etat. Qui n’a été que de courte durée.
A l’en croire, le Premier ministre d’alors, Abdoul Mbaye, avait montré un engagement manifeste, lors d’un conseil ministériel, à mettre fin à la mendicité des enfants et, par ailleurs, aux “daara’’ clandestins. Ce dernier, lui-même sortant de “daara’’, avait mis en place, en mars 2013, un comité comprenant les différents ministères, la société civile et les maîtres coraniques. Cependant, son éjection du gouvernement, quelques jours après, a obscurci l’horizon. “J’ai démissionné par principe, lorsque je me suis rendu compte que le responsable de la Direction de la protection des enfants n’était pas engagé dans ce combat. Ces gens ne font que de la politique politicienne. Ils font tout pour plaire à leurs supérieurs, mais ils ne font rien pour l’intérêt supérieur de l’enfant’’, renseigne le facilitateur de la Ppdh. Au sein du comité, il était, par ailleurs, prévu l’adoption et l’application de la loi portant sur le statut du “daara’’ en avril 2013. En mars 2019, toujours rien. “On peut trouver cela subjectif, mais c’est la triste réalité. Le ministre de l’Intérieur a constitué le principal frein, parce que, dans sa région natale, le Fouta, la mendicité est accrue et il risquait de se mettre à dos les membres de sa communauté’’.
Après cet épisode, a suivi le plan d’éradication de la mendicité des enfants 2013-2015 de la Ppdh, en partenariat avec l’Etat du Sénégal. Six ans après, le problème reste entier. Ainsi la Plateforme pour la promotion et la protection des Droits de l’homme affirme que l’adoption et l’application de la loi sont empêchées par le pouvoir central qui confond mendicité des enfants et éducation islamique. Surtout que toutes les parties prenantes reconnaissent l’ampleur de la situation et souhaite un assainissement du secteur des études coraniques.
Et Ndiaye Daara d’ajouter : “Puisque nous ne pouvons pas continuer à discuter avec un gouvernement qui n’est pas sensible, nous avons changé de paradigme. Nous nous sommes tournés vers les collectivités locales, afin de pouvoir régler le problème au niveau local, avec l’appui des partenaires financiers.’’ Une démarche qui a été une réussite dans la commune de Médina où des “daara’’ ont été réhabilités et ont bénéficié d’un appui financier. Des maîtres coraniques et délégués de quartier ont été sensibilisés, ce qui a conduit à un arrêté municipal interdisant la mendicité au niveau de la Médina. Un arrêté aussi en vigueur dans la commune de Fass-ColobaneGueule Tapée. Selon Ndiaye Daara, le cap est mis sur Pikine Nord et Sicap Mbao. Une fois les responsabilités parentale et communautaire situées, c’est à l’Etat de mettre de l’ordre. “Je ne vois pas, dans ce pays, la notion d’Etat de droit’’. Il reconnaît, en outre, que l’application de la loi n’est pas que répression ; il faut qu’il y ait des mesures d’accompagnement.
Plusieurs questions toujours sans réponses
De plus, en 2010, la Banque islamique avait décaissé 12 milliards pour le Programme d’appui à la modernisation des “daara’’ (Pamod). Il consistait à améliorer les conditions de vie et d’apprentissage des enfants. Une somme dont les acteurs demandent, neuf ans après, ce qu’on en a fait. En plus du financement de la Banque mondiale, “nous déplorons la position de l’Etat face à cette situation. Seule la responsabilité du président de la République est engagée, puisque toutes les parties prenantes sont conscientes de l’urgence’’. Ndiaye Daara salue néanmoins un changement de mentalité de la part des Sénégalais, toutes catégories confondues, qui sont aujourd’hui sensibles au sort de ces enfants. Du côté de l’Ong Global Solidarity Initiative, une organisation non gouvernementale nichée à Scat-Urbam, l’optimisme est de mise. Œuvrant depuis 2012 au Sénégal pour la protection des groupes vulnérables, l’Ong avait, en 2016, établi la cartographie des “daara’’ de la région de Dakar. Grâce au concours des maîtres coraniques, elle avait recensé 183 835 enfants talibés pour 1 922 “daara’’ dans ladite région dont 28 000 sont concernés par la mendicité. Selon le rapport, la ville de Pikine est la plus touchée par le phénomène, avec 20 143 enfants mendiants. Le nombre de “daara’’, la pauvreté et les conditions de vie précaires des ménages en seraient les causes.
Selon Modou Matar Seck, membre de l’Ong, le nombre élevé de “daara’’ clandestins complique l’éradication de ce problème. En outre, il pense que l’application de la loi serait d’un grand apport et qu’à ce jour, la sensibilisation est plus qu’importante. “Notre rôle est d’accompagner l’Etat du Sénégal. Nous ne pouvons pas nous substituer à lui, pour faire appliquer la loi’’, ajoute-t-il. Avant de poursuivre : “Je pense que l’heure n’est pas à jeter la faute sur qui que ce soit. Les ‘daara’ n’arrivent pas à prendre en charge les enfants qui leur sont confiés. Donc, en plus des mesures drastiques, il faut allier le volet social, sinon les choses n’avanceront pas.’’ Il souligne, de ce fait, un problème de synergie d’actions entre les acteurs. Dans ce tableau, les maîtres coraniques estiment que le manque de moyens complique la prise en charge des enfants. Selon eux, le plus important est d’améliorer les conditions de vie des “daara’’, avant de parler d’interdiction de la mendicité, même si cela ne se justifie pas. Global Solidarity Initiative plaide pour une insertion professionnelle des sortants du “daara’’. “En plus de sensibiliser les maîtres coraniques sur les questions d’hygiène, le respect des droits des enfants qui sont à leur charge, nous permettons à ces enfants d’apprendre un métier. Que ce soit dans la menuiserie, la couture ou autres, cela leur permet de pouvoir travailler, une fois sortis de l’école coranique. Une alternative qui réussit bien et que nous avons proposée à l’Etat du Sénégal. Quant aux moyens financiers, les responsables ont initié des activités génératrices de revenus, notamment à Pikine où plusieurs ‘daara’ récoltent les revenus pour subvenir à leurs besoins. Ce sont, entre autres, des poulaillers et des cantines. L’enjeu étant de collaborer avec l’Etat du Sénégal pour trouver des solutions durables, même si, pour l’heure, toutes les activités se font avec l’appui financier de bailleurs américains’’. Dans le même sillage est né, en septembre 2016, à la suite de la mesure prise par le gouvernement relatif au retrait des enfants des rues, un autre groupe d’Ong regroupés sous le nom Plan Jokkale. Un plan proposant neuf propositions pour contribuer à l’effectivité de cette mesure gouvernementale et comprenant l’ensemble des organisations de la société civile bénéficiant d’un financement européen.
Selon son coordonnateur Jonathan Azevedo, “l’Etat fait la sourde oreille certes, mais les populations sont les principales responsables. On a beau mettre en place des plans d’action, si les parents de ces enfants, si l’ensemble des citoyens ne mesurent pas l’ampleur de la situation, les choses n’évolueront pas’’. Il pointe le silence coupable de la société sénégalaise, son indifférence et le fameux culte de l’aumône qui, selon lui, donne bonne conscience à chacun. “L’enfant représente l’avenir d’un pays et c’est vraiment dommage de voir comment ceux du Sénégal sont traités. Ils font partie du décor de Dakar. Les gens ne s’émeuvent point de leur sort. Au contraire, on leur jette quelques pièces, en pensant bien faire’’. Cela, selon lui, ne fait qu’alimenter une exploitation organisée. Le coordonnateur de la Plateforme des Ong européennes au Sénégal estime que l’Etat ne sera contraint à agir que lorsque les populations montreront un intérêt général pour la question. “Il faut que chacun se sente responsable’’, conclut-il.
DAKARMATIN
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