À quelques heures du vote par l'Assemblée nationale de la révision constitutionnelle voulu par le gouvernement sur le processus électoral, les langues commencent à se délier. Et selon un très haut responsable de la mouvance présidentielle, la révision constitutionnelle vise simplement à écarter le maire de Dakar, Khalifa Sall de la course à la présidentielle.
Le projet de loi gouvernemental visant à modifier le code électoral en y introduisant le parrainage de 1% du corps électoral pour concourir à l’élection présidentielle est plus pernicieux qu'il n'y paraît. Au-delà du parrainage, qui en soit n’est pas mauvais s'il n’était pas fait à des fins machiavéliques, le projet de loi dont les députés doivent en débattre le jeudi 19 avril, vise clairement à écarter certains prétendants sérieux de la course au Palais. Pourquoi ?
Parce que le Code électoral sénégalais a été modifié pas plus que l'année dernière par l'Assemblée nationale lors de sa séance du lundi 2 Janvier 2017. Dans la foulée, le Président de la République a saisi le Conseil constitutionnel qui a déclaré la loi conforme à la Constitution par sa Décision n°4/C/2017 du 13 janvier 2017.
Ainsi par Décret n° 2017-170 du 27 janvier 2017, le Président de la République promulgue la loi qui a son Article L 57 stipule que « Tout sénégalais peut faire acte de candidature et être élu, sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi. La candidature est portée soit par un parti politique légalement constitué, soit par une coalition de partis politiques légalement constitués, soit par une entité regroupant des personnes indépendantes. Est candidat indépendant celui qui n’a jamais milité dans un parti politique ou qui a cessé toute activité militante depuis au moins un (1) an. »
C'est cet article que l'Assemblée nationale s’apprête aussi à modifier, en ajoutant un seul mot, « électeur », qui sera lourd de conséquences. En effet, le projet de loi gouvernemental prévoit que : « Tout sénégalais électeur peut faire acte de candidature et être élu, sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi. »
En d'autres termes, pour être candidat à la Présidence de la République, il faut d'abord être inscrit sur les listes électorales. Hors, même si le processus de révision des listes électorales est en cours, il n'est pas certain que tous et celles qui sont enrôlés recevront leurs pièces d’identité combinées à la carte d’électeur.
Pour rappel, le processus en cours et celui de l'année dernière n'a pas permis à tous ceux et celles qui sont inscrits de recevoir leurs cartes. C'est mon cas notamment, malgré que je vote depuis plus de 10 ans.
La modification de l'article L.57 écarte de facto le député maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall de la présidentielle, puisqu'il n'est pas électeur (la refonte du fichier électoral l’a trouvé en prison). D'après un haut responsable de l'APR (parti au pouvoir), « cette réforme est le résultat tiré par le gouvernement lors des élections législatives dernières. » Pour rappel, lors de ces législatives, malgré que Khalifa Sall n'ait pas pu voter, il a tout de même été investi par la coalition Maankoo Tawaxu Sénégal et a été élu député. Et notre source de préciser que « c’est ce scénario que nous ne voulons pas vivre en 2019 lors de la présidentielle avec un candidat en prison. Un tel cas de figure discréditerait le scrutin », d'après lui. Voilà qui est clair.
Marie DIOP