Pourquoi on ne saute pas de joie après les promesses mirobolantes du président envers les étudiants qu’il a reçus lundi au Palais ? Parce qu’il traîne la lourde réputation d’une parole évanescente au gré des conjonctures et autres situations politiques du moment. Parce que ses « convictions républicaines » ont été trop souvent prises à défaut pour qu’on lui signe d’autres chèques en blanc. Mais surtout, parce que dans cette affaire de retard de bourses et de l’assassinat de Fallou Sène, le président a fait le choix de protéger ses ministres que de punir, comme le veulent les règles en République, ceux par qui la chaine administrative a mortellement grippé.
En effet, pour l’heure, il n'y a que les hommes de son gouvernement et une certaine presse qui est passée de la connivence à la complicité, pour s’extasier sur la longue liste des futurs succulents « desserts » promis par un président qui nous rappelle depuis six longues années, que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Parce qu’il avait aussi promis en 2014, que désormais, les bourses seraient payées pas plus tard que le 5 du mois. Parce qu’après la mort de l’étudiant Bassirou Faye la même année, il avait aussi juré « plus jamais ça ! » Et que justice serait faite.
Parlons justement de la justice. Pourquoi ces lenteurs alors que tout conduit vers une bavure d’un gendarme commandant sa troupe qui a pété les plombs et tiré avec des balles réelles. Surtout, si comme il se dit, l’étudiant a été blessé au bas-ventre, ce tir ne peut aucunement relever de la sommation. C’est un tir mortel. Mes longues et nombreuses lectures de polars m’ont appris ceci de la part de spécialistes : « Si tu veux tuer vite, vise le cœur ou la tête ; si tu veux tuer douloureusement et lentement, vise le ventre ». Aussi, on peut, avec toutes les suspicions du monde, s’interroger sur ces lenteurs à publier le rapport balistique ainsi que d’ailleurs le rapport de l’Ige, envoyée sur place.
On a donc préféré rompre la chaîne de responsabilités aux liens fragiles du Recteur et du Dg du Crous. Le ministre de l’Enseignement supérieur, celui des Finances, et celui de l’Intérieur qui ose « parler d'incident », après mort d'homme avec des balles réelles. Le Recteur a appelé les gendarmes parce que les franchises universitaires sont un vieux parchemin avec lequel on allume les feux mortels dans l’enceinte académique et sociale. C’est trop long de respecter les règles et la loi, comme de convoquer le Conseil de l’université pour avoir sa bénédiction. Trop laxiste de laisser manger des étudiants qu’on a affamés en ne payant pas à temps leurs maigres bourses. 750.000 francs, un lourd manque à gagner pour les privés qui ont investi dans la restauration du Crous !
On ne saute pas de joie parce que les premiers concernés, les étudiants de l’UGB, ont senti le piège dans lequel veut les emprisonner le locataire du Palais : faire la diversion avec des mesures qui pour certaines auraient dû être satisfaites sans mort d’hommes (bus, infrastructures académiques etc.) et les autres, comme le relèvement du taux des bourses, une simple observance de la montée du coût de la vie et de la longue stagnation des bourses en soulignent la nécessité et non une quelconque magnanimité du président encore moins un dessert pour fumer le calumet de la paix et le retour « immédiat » de celle-ci dans les campus. Alors, il nous semble que tout cela devrait refroidir un peu les ardeurs des « applaudisseurs » et affermir leurs chaînes de dépendance.
Et puis, ces largesses présidentielles sont assorties de quelques peccadilles et conditions mineures : « que nous œuvrions pour un Pacte de stabilité dans toutes les universités et dans tous les instituts d’enseignement supérieur de notre pays ». Pour cela, le Président, demande aux étudiants que « nous tissions donc un lien de confiance ». Et pour bien rappeler que ces mesures sont loin de relever d’une gentillesse présidentielle subite, (on ne lui en connait pas du reste, sauf pour les voleurs qui rejoignent son parti et son régime), il ajoute au bas du texte : « J'ai engagé le gouvernement à signer un Protocole (pas de Rebeuss celui-là, mais sur le corps de Fallou) dans le sens des mesures annoncées sous réserve d’un engagement commun autour d’un Pacte de stabilité et de pacification de l’espace universitaire ». Sous condition donc. Mais dans ce pacte, sera-t-il écrit « plus jamais de balles blanches ou réelles » contre les étudiants ; plus jamais d’élèves éborgnés par les grenades des policiers ; plus jamais de Recteurs zélés qui siffle la police ou la gendarmerie à la moindre mobilisation contre leur manquement à leurs devoirs ; plus jamais de scènes de guerres civiles dans nos campus et dans nos rues. Moins de flics pour bouffer du manifestant mais plus pour les encadrer ?
C’est vrai, des points positifs sont sur la table, mais qu’ils ne servent pas à saupoudrer une situation qui a besoin d’un nettoyage à grande eau : un gouvernement qui s’acquitte normalement de ce pourquoi il est grassement payé ; que les ministres fautifs et faillis libèrent la place, il y a d’autres sénégalais tout aussi, sinon plus méritants. Vous n’êtes que des vacataires et non des CDI.
Demba Ndiaye, Journaliste