DU PROJET DE RÉFORME CONSTITUTIONNELLE EN COURS : CET ALARMISME AMBIANT EST-IL JUSTIFIÉ ?

30 - Avril - 2019

Le 06 avril dernier, le Président de la République Macky SALL annonçait une révision constitutionnelle devant aboutir, entre autres, à la suppression du poste de premier ministre.

Depuis cette annonce, une controverse tendant à faire croire à une menace de calamités institutionnelles et politiques sur notre république, ne cesse de prospérer. Une telle controverse est d’autant plus alarmante que la plupart des acteurs qui entretiennent cette menace sont reconnus comme des experts du droit.

En effet, tandis que les candidats malheureux de la dernière présidentielle se fendent d’un communiqué pour dénoncer plutôt la méthode que le fond de la réforme, des experts comme le professeur de sciences politiques Cheikh Diallo dans les colonnes de « Jeune Afrique » nous prédit, dans une perspective de la victoire de l’opposition en 2022, « un véritable tremblement de terre institutionnel… » et un risque de dérives autoritaires, abondant dans le sens du responsable Pds maître Amadou SALL et des activistes de « Y’en a marre ».

Quant à son compère le Dr Yaya Niang spécialiste en droit public, c’est dans les pages du site d’informations en ligne « Seneweb » qu’il nous confie sa trouvaille, pour le moins alambiquée ; celle d’une réforme cachée derrière celle de la suppression du poste du premier ministre et qui serait un outil pour créer(sic) le moment venu, le futur relayeur du Président. Il en veut pour preuve que le projet rend désormais compatible l’exercice de la fonction ministérielle et celle de député alors que l’article 55 du projet dit exactement le contraire.

Il est juste dit dans l’exposé des motifs que « …la volonté de reconsidérer le statut du député se traduit par la possibilité désormais offerte à celui-ci, nommé membre du gouvernement, de reprendre son siège à la cessation de ses fonctions ministérielles. ». Il est donc clair que même à ce niveau le cumul de ces fonctions est impossible.

Par ailleurs, cette réforme du statut du député n’a rien d’insolite. Elle découlerait presque d’une forme de benchmarking législatif, puisque la France a déjà mis en place cette règle, à la suite de la réforme constitutionnelle de 2008, par une loi organique de janvier 2009. Depuis cette dernière, un député français, nommé par la suite ministre, a le droit de retrouver son siège de parlementaire dès la cessation de cette fonction gouvernementale ; et la démocratie française n’en va pas plus mal.

Quant à ceux qui, comme le Dr Cheikh Diallo, s’alarment d’un risque d’impasse institutionnelle dans le cas d’une éventuelle cohabitation, en se fondant sur le fait que le projet de réforme retire, d’un côté au Président de la République le pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale et de l’autre à cette dernière, le pouvoir de provoquer le renversement du Gouvernement, ils semblent omettre l’article 52 de ce même projet.

En effet, cette article stipule que : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président dispose de pouvoirs exceptionnels. »

Par conséquent, l’article 52 vient parer à toute éventualité de blocage des institutions. Et qu’on ne vienne pas voir dans ces « pouvoirs exceptionnels » éventuels, la menace d’une dérive monarchique parce qu’en tout point de vue cette article 52 rappelle l’article 16 de la constitution française qui, depuis le 04 octobre 1958, accorde, à circonstances exceptionnelles, des pouvoirs exceptionnels au Président de la République française. Or de 1958 à nos jours, une seule fois, recours a été fait à cet état d’exception, c’était lors du putsch des généraux du 23 avril au 30 septembre, dans l’Algérie française.

En définitive, dans la sphère de la démocratie et de la République, il n’y a rien de nouveau sous le soleil des réformes juridiques et constitutionnelles. Par conséquent, cette émotivité soudaine de certains de ces experts face à une réforme plutôt classique, ressemble plutôt à une attitude politicienne qu’à une réelle réserve d’expert.

Ibrahima Dramé, responsable APR Bounkiling
Membre de la Convergence des Cadres Républicains de France

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