Journée de la presse : une fête macabre ( Par Adama Gaye )

03 - Mai - 2019

3 Mai, Demain, la presse fête sa journée, mais, autour d’elle, montent les sons funéraires…

Sans l’interpellation d’un jeune journaliste, me suppliant de ne pas insulter Macky Sall et son pouvoir, je me serai gardé de verser quelque contribution à cette journée de demain 3 Mai, que, inspirée par le renouveau de la liberté d’expression à la fin des années 1980, l’UNESCO a décidé de désigner, depuis 1991, celle de la presse.
Je me suis demandé: comment peut-on être debout sur un bateau qui coule et trouver à redire à ce qui a toujours été, et reste, le carburant pour le maintenir à flots, au milieu de son abandon massif par ses passagers, ses publics, et de sa disruption mortelle par des technologies nouvelles l’ayant deja rendu obsolète. Le métier des médias classiques, bien plus vastes que celui d’une presse se rapportant à l’écrit et à l’imprimerie, est en instance de déphasage accélérée: les journaux ne s’achètent plus, les radios et télévisions perdent leurs audiences, les agences de presse sont dépassées par la production, instantanée, des netizens, les citoyens du net, témoins et acteurs de leur temps, vrais journalistes de ce mutant monde.
Or donc, ce qui a longtemps fait vivre les médias, c’était l’impertinence et la profondeur des investigations de leurs animateurs, en particulier du fait de leur courage à être les témoins, historiens, non-biaisés, de leur temps. De l’histoire immédiate, actuelle. En se faisant les porte-voix des sans voix. En allant fouiller dans les lieux les plus cachés les secrets et méfaits de ceux qui s’imaginent être les puissants.
Autant dire qu’une profession qui choisit d’être civilisée au point de devenir la brosse à reluire, l’amplificateur, le promoteur voire le défenseur de ces forces, notamment politiques et d’argent, qu‘elle était censée brocarder, ne peut être que sur une pente rapide, fatale, de sa propre destruction. Surtout que les fake-news, la concurrence des réseaux sociaux et le rejet d’une information devenue pompeuse, parce que filtrée pour plaire, sont autant de raisons de préparer sa notice nécrologique.
Quand le jeune journaliste a plaidé la cause de Macky et co, au nom de je-ne-sais-quelle clémence, j’ai failli verser des larmes de dépit. En me disant: c’est donc de ça dont il parle avec ses confrères? Que ce fut difficile de ne pas lui dire son fait en constatant ce qui était son baromètre pour juger de la pertinence des postures de quelqu’un qui n’a pas choisi de passer par des détours pour excercer son droit constitutionnellement reconnu de s’exprimer librement, selon ses termes, sans diffamer, son opinion sur les affaires de la cite et du peuple. À la limite, je peux comprendre que pour les yeux et oreilles chastes, il fait sens de réduire l’intensité, la virulence, de certains propos et écrits. Encore que je me suis demandé c’est quoi ce type de journaliste faisant la médiation pour les escrocs, criminels de haut vol, les Macky et consorts, mais n’avait pas trouvé un seul mot pour tirer les bretelles à ses confrères lorsque, violant toutes les normes déontologiques, rien que pour plaire à leur corrupteur, ils s’en etaient pris à mon honorabilité et à ma vie, faussement attaquées, en des termes d’une gravité justiciable de lourdes peines pénales. J’ai failli lui dire: honte à cette presse. Indigne presse. Presse de collusion. Presse de canniveaux. Corrompue et servile. Rien à voir avec la vraie presse qui, depuis ses pionniers, Johannes Gutenberg, Reginald Fassenden, Samuel Morse, la transistorisation, le Watergate, Albert Londres, et j’en passe, avait pu se hisser au statut de quatrième pouvoir, le premier en réalité tant il fait trembler les autres demembrements du pouvoir d’état.
Triste, en cette veille de “fête”, que les journalistes se transforment en pompiers là où leurs publics, pris dans un étau d’angoisses multiformes, ne demandent qu’à les voir assumer leur mission. C’est-à-dire, pour reprendre Bertold Brecht, “déchirer les voiles de l’inconscience et dire les choses par leur nom”.
Au lieu de ça, je me vois invité à mettre la pedale douce, à dire les choses plus gentiment. Ce n’est pas ce que j’ai appris ni vécu.
Exemples pour l’illustrer? Mon professeur de presse écrite, le brillant Mohamed Diop, premier docteur en communication du Sénégal, m’a enseigné à y aller droit. “Faites couler le sang, montrez les têtes coupées, ne vous gargarisez pas d’adjectifs, décrivez les choses et dites les telles qu’elles sont”. Celui de radio-television, Bernard Schoeffer, lui m’a dit, deux leçons dans ce sens. Un: quand vous posez une question, vous prenez votre épée et vous la plantez, pas besoin de mettre un coton dessus, donc pas de circonlocutions. Deux: alors que je faisais la description de la mine à ciel ouvert de la Somair à Arlit, au Niger, il m’arreta, après m’avoir entendu frimer avec un gros français notamment pour décrire les excavations, de retour d’un voyage d’études dans le Nord de ce pays. Monsieur Gaye, m’interrompit-il, quand vous êtes avec une f……, parlez-vous de trou ou d’excavation ? Dites donc les choses sans détours. Enfin, un vieil ami américain, Tom Masland, ancien Éditeur Afrique, du grand magazine Newsweek m’a expliqué comment son journal en couvrant les tremblements de terre privilégie les images de femmes dont les tenues sont déchirées, révélant à côté des gouttes de sang, leurs seins. “Sexe et sang”, voilà ce que veut le lecteur, aimait à me dire Masland.
Or voici que dans ce Sénégal pris en otage, capturé, par un régime mafieux qui le dépouille au grand jour, tout ce qu’un journaliste trouve à dire est: baisse la pression. Traduisez : “ne dévoile plus les scandales qui rythment la vie de ces criminels”.
En un mot: fais un compromis historique. Rejoins la soupe. Vas à canossa !
Grave. Minable presse ! Surtout que mon conseiller serait le premier à s’écrier, si je suivais ses toxiques conseils de soumission: voilà ! Ça ne pouvait que finir comme ça. Il s’est rendu, comme nous nous y attendions…
Pas question cependant de me voir valider ce genre de calculs cachés derrière les bons sentiments. Je préfère, en clair, rester droit dans mes bottes, suivre ma voix intérieure et me conformer aux règles immuables de la décence, de l’honneur, de la vérité. Loin du Petainisme Tropical si prévalent ici !
J’ai honte de cette presse. Je suis totalement en désaccord avec cette souplesse d’échine qu’elle révèle pour se mettre, nolens-voens, au service d’un pernicieux et nationicide régime.
Mon interlocuteur me dit: ce serait bien que tu écrives pour dire que t’es positions ne sont pas virulentes parce que tu cherches quelque chose.
Pouah ! Voilà le Sénégal actuel ou tant de gens ont vendu leur âme que ne pas le faire paraît suspect. Je lui dis, et en informe tous, une dernière fois, que si je voulais être à la soupe, j’en ai le pedigree et pouvais m’asseoir au banquet depuis.
Par mes origines, mes diplômes, mon parcours, mon expertise, my name recognition, rien, absolumen rien, ne s’oppose à ce que je puisse n’avoir comme limite que le ciel -voir au delà!
Je n’ai pas choisi la voie de la facilité.
Ceux qui se sentent bien dans la porcherie y sont n bonne compagnie.
Mais, Macky Sall et co, ce regime ayant échoué, frappé d’illégitimité et d’incompétence, bande de pilleurs, doivent se le tenir pour dit: je suis sur leur route. Je ne suis pas du genre que l’argent, les privilèges ou les lambris impressionnent: j’ai deja fait et vu tout ça, depuis mathusalem; ce qui me meut dépasse ces fugaces et passagers trucs, cette quincaillerie !
Je suis un militant d’une nouvelle Afrique passant par un nouveau Sénégal, et dans ce combat il n’y aura pas de compromis historique, dynamique ni de compromission.

Je prie que demain, en ce jour ou plus que jamais, placée à l’article de la mort, de la disruption, la presse ne fasse pas la fête mais écoute les sons graves de son oraison funebre. Mon brillant professeur de sociologie de l’information, Francis Balle, de l’université Paris 2,réfléchissant avec d’autres théoriciens, les meilleurs dans ce domaine, comme les américains Lasswell et Lazarsfeld, aurait dit que le temps est venu pour les médias de redéfinir leur rôle dans la société. Pour freiner, si possible inverser, leur déclin inéluctable!

Ps: que plus personne ne me parle de tenir un discours doux en direction de ces criminels. Ils seront traités comme tels. Avec Macky Sall dina niokh gueniiom, et apprendra à ne plus insulter d’honnêtes citoyens. Wassalam !

Adama Gaye

 

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