La pandémie du Covid-19, crise inédite de par sa nature, a chamboulé toutes les dynamiques d’évolution des économies du monde (celui-ci a connu, avec cette épidémie, une certaine « démocratie de la létalité »). En effet, malgré que chaque pays du monde mette en place un dispositif de riposte contre ce virus, assez rigide de par les coûts humains et matériels qu’il demande, celui-ci continue librement d’étancher sa « soif d’âmes » en abattant chaque jour des milliers de personnes à travers le monde.
Ainsi, les seules « mesures prises pour atténuer la contagion et préserver des vies humaines a des conséquences négatives sur l’activité économique mais doivent être considérées comme un investissement important dans la santé humaine et économique à long terme ». Ces coûts sont supportés par des économies. Certaines d’entre elles ont une capacité de résilience importante (celles de la plupart des pays « développés ») tandis que d’autres (celles d’un grand nombre de pays « en voie de développement » que l’on rencontre davantage en Afrique) sont moins résilientes. Notons, pour écarter toute ambiguïté relative à la compréhension du terme « résilience économique », qu’en dépit de certains décalages de point de vue par rapport à ce concept chez les auteurs qui ont eu à en fournir des définitions (les facteurs pris en compte pour le définir se différencient chez eux), nous retenons que la résilience d’une économie est sa capacité à maintenir sa production autour du potentiel suite à des chocs. Selon FMI, l’économie mondiale devrait connaître une forte contraction de 3% en 2020 et croître de 5,8% en 2021. Les économies occidentales, nos « références », subissent de plein fouet, toutes sans exceptions, les conséquences de cette crise. Notre chère amie, la France, n’est pas en reste, si on s’en remet aux propos de Tristan-Pierre Maury, professeur d’économie à l’Edhec, sur le quotidien Affiches Parisiennes: « En cette période de confinement, l’activité française est réduite d’un tiers. Chaque mois de confinement coûte environ 70 milliards d’euros soit à peu près 3% du PIB ».
Les petites entreprises comme les grands groupes français sont touchés par la crise ; « le CAC40 a perdu un quart de sa valeur depuis le début de la crise tandis que les TPE (toute petite entreprise) sont en grande difficulté ». Les prévisions faites autour du PIB ne sont pas aussi favorables : l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a pronostiqué le 1er avril une baisse minimum de 6% alors que FMI prédit le 9 avril une chute de 7,2% et le Gouvernement français a annoncé une chute de 8% le 14 avril, selon toujours les Affiches parisiennes. Le choix d’un tel pays pour illustrer les conséquences de cette pandémie sur les économies occidentales pourrait être sévèrement condamné, mais assez compréhensible pour un panafricaniste qui nous dirait que nous avons une liaison avec la France jugée inévitable par nos dirigeants et telle qu’elle est notre « référence » sur tous les aspects de la vie sociale, sociétale, économique, politique,… Quant aux pays africains, aux économies qui boitent, faibles dans la tendance, les statistiques fournies par des entités trop occupées à fournir des simulations d’une atteinte d’objectifs économiques visés depuis longtemps en Afrique, à une époque où même ma grand-mère, à peine s’appuyant sur une canne pour marcher n’était pas encore née (pour ne pas citer FMI, Banque Mondiale,…), ne font pas trop voir la moindre blancheur des dents d’un africain conscient.
Ainsi, dans un communiqué de presse de la banque mondiale publié le 09 avril 2020 dans le site de cette institution, on nous informe déjà que la pandémie de Covid-19 entraîne l’Afrique subsaharienne vers sa première récession depuis 25 ans ; cette crise « risque également de provoquer une crise alimentaire en Afrique, la contraction de la production agricole risquant d’atteindre entre 2,6% dans le scénario optimiste jusqu’à 7% en cas de blocages commerciaux… Les importations de denrées alimentaires vont elles aussi fortement reculer passant de 13 à 25% plombées par des coûts de transaction plus élevés et une demande intérieure en baisse ». Et tant d’autres informations qui témoignent, selon eux, l’urgence pour nous autres pays africains d’adopter des mesures pour « sauver » nos économies.
Le FMI, de son côté, approuve une « aide » près de 900 millions de dollars, soit plus précisément 886,2 millions de dollars à la Côte d’Ivoire (je rappelle qu’Alassane Dramane Ouattara est le Président de la Cote d’Ivoire et Président de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, celui que les panafricanistes accusent d’être animé d’un sentiment de contentement inédit du seul fait d’avoir serré la main à Macron) et lance avec la banque mondiale un appel commun stipulé comme suit : « Le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et des dirigeants africains ont appelé vendredi 17 avril à une rapide action internationale pour aider les pays d’Afrique à faire face à l’épidémie de coronavirus qui va provoquer cette année une contraction de 1,25% de l’économie du continent, un peu plus bas inédit ». La plupart des pays d’Afrique voient leur croissance économique future fauchée par les effets de cette crise.
L’agence de presse sénégalaise (APS) nous rappelle que l’économie sénégalaise qui espérait réaliser un taux de croissance de 6,8% à la fin de cette année n’en connaitra que 3% (d’après les propos de Son excellence M. Macky SALL lors du précédent discours à la nation). C’est la même tendance pour la majeure partie des pays africains. Au vu de toutes ces situations défavorables pour l’Afrique, loin de se conformer aux multiples prédictions tournant autour d’un lendemain africain funeste et sombre tenues par les institutions « bidon » pilleuses, nous pouvons dire sans la moindre ambigüité que la Covid-19 n’a pas été gentille pour l’Afrique comme tant d’autres pays figurant sur sa « carte d’exploration ». Cette situation ne demeure pas totalement méconnue. Ce qui l’est, c’est ce lendemain africain que certaines institutions aptes à mal poser les problèmes africains pour en proposer d’odieuses solutions s’attèlent à décrire.
Nous autres dignes fils de l’Afrique, sommes assez légitimes pour proposer nous-mêmes des solutions relatives à la « redynamisation » des économies africaines. C’est carrément insensé, voire immoral, de s’attendre à des solutions proposées par un sadomasochiste occidental, un bipède balloté par les mêmes déséquilibres de la vie, alors que nous avons là une intelligentsia africaine (dont je ne figure pas d’ailleurs) capable de les fournir par le biais de la seule « provocation intellectuelle » utile. Tout d’abord, il faut noter que les économies africaines d’après-crise ne devront pas être celles précédentes ou jusque-là adoptées par les pays africains bâties sur une rigide dépendance à l’extérieur qui nimbe tout d’un coup leurs diverses potentialités.
Il faudrait penser à mettre en place des économies qui se foutent de la « norme anormale » établies par les économies occidentales prescrivant inconsciemment pendant longtemps la non prise en compte des normes environnementales dans les actions de développement à poser. Les économies à mettre en place devront également être résilientes telles que la résilience sera définie en prenant en considération les secteurs les plus intéressants de la vie sociale des pays africains, à savoir la santé, l’éducation,… en augmentant leur capacité de résistance par le biais d’investissements de masse qui seront faits par les pouvoirs publics. A l’heure où la technologie offre de nombreux avantages, l’éducation et l’enseignement supérieur ne devraient pourtant pas connaître un arrêt définitif inévitable dans certains pays africains provoqué par cette crise. Hélas ! C’est chose remarquée. Un déséquilibre parmi tant d’autres que les « nouvelles économies » seraient aptes à résorber sans grand effort.
Ensuite, il convient aussi pour les pays africains de se fixer des objectifs conformément aux défis qu’ils ont à relever, par ordre de prépondérance économique et sociale, de s’établir des dynamiques d’évolution authentiques et d’éviter de se perdre dans une spirale « dictature du comparatisme », dans une certaine littérature utilisée par Pr Felwine SARR. Ainsi n’avonsnous pas besoin de la construction de monuments et d’autres futilités dans un pays où la faim frappe des milliers de citoyens. De la même manière, l’aveugle n’a nullement besoin d’une télévision pour des besoins d’informations, il a justement besoin d’une radio, pour écouter, savoir ce qui se passe dans le monde. Cela pour dire tout simplement que les Etats africains habilités à prendre des décisions pour l’amélioration des conditions de vie de leurs populations doivent élaborer des politiques économiques aptes à répondre aux rationnelles exigences de celles-ci. Le recours à l’économie de débrouille, largement développée par Serge Latouche dans son ouvrage intitulé « Entre mondialisation et décroissance : l’autre Afrique » et dont les performances peuvent se juger à travers la frugalité (la simplicité dans la consommation) qu’elle préconise, doit être fait car étant une réelle alternative pour atteindre ces objectifs.
L’adéquation de ce type d’économie avec le contexte africain peut être vue du seul fait que dans les pays africains le lien social et la stabilité politique sont au rendez-vous ainsi que son aspect quelquefois informel. Il faudrait encourager la consommation locale. Et que les Etats eux-mêmes élaborent, d’un autre côté, des politiques qui seront dans une droite de soutenir les transformateurs et les entreprises nationaux comme, par exemple, au lieu de mettre en vigueur des législations strictes qui les mènent souvent vers la faillite, ils pourraient être tolérables et essayer de tirer ce qu’il y a de nécessaire pour eux et pour leurs pays dans la plupart de leurs activités souvent informelles. Enfin, il faut retenir que nous pouvons nous attendre à une Afrique meilleure si l’on commence désormais à tirer des leçons de cette crise. Les gouvernements des pays africains devront se rendre compte de leurs faillibilités et prendre des décisions fermes pour les corriger. L’économie dont les pays africains ont besoin est singulière et se détache de toute comparaison avec celles que nous jugeons performantes car, disons-le, l’Afrique est un continent particulier ; elle a su établir la vie humaine en société.
La logique voudrait que l’on se fixe des objectifs dont les atteintes seront profitables pour toutes les populations. Pour faire donc régner la logique, les « décideurs » doivent cesser de se réjouir de la pitance donnée par le FMI et la banque mondiale qui veulent plus que jamais faire de nous des « quémandeurs », d’évaluer comme une réussite l’accord avec la France et d’autres pays. La corruption, la captation et les malversations devront également être anéanties, supprimées de notre existence dans l’Afrique d’après-crise. En définitive, la Nouvelle Afrique devra être celle telle que les vices africains seront absents, les influences négatives exterminées et les liens de dépendance coupés. Ainsi, l’on laissera le travail et la détermination déterminer son devenir, conformément aux divins consentements.
Par Serigne FILOR, Etudiant en Sciences économiques et Gestion l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.