Un vieil adage nous enseigne que « tout pouvoir corrompt » et que le pouvoir absolu corrompt absolument. Macky Sall n’échappe pas à la règle. Si au cours de son récent septennat il n’a pas manqué de favoriser ses proches en les nommant à des postes clés, la présentation du nouveau gouvernement nous enseigne qu’il entend désormais disposer seul du pouvoir partant du principe « qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même ».
Si le chef de l’Etat vient en effet de reconduire Mohammad Dionne comme premier ministre c’est pour mieux l’évincer d’ici quelques semaines, voire quelques mois, le temps pour l’assemblée nationale d’avaliser cette réforme constitutionnelle. Une de plus ! Ou plutôt un nouveau tripatouillage. Et cette fois-ci à son bénéfice exclusif.
Les moins jeunes se souviennent qu’en 1963 Léopold Senghor avait lui-même supprimé le poste de Président du conseil, l’équivalent de celui de Premier ministre, (alors occupé par Mamadou Dia) afin de recentrer les pouvoirs au niveau de sa présidence. Senghor avait alors cumulé les deux responsabilités.
Plus tard, en 1983, un scénario presque identique s’était présenté avec la décision d’Abdou Diouf qui entendait privilégier le rôle et la prééminence de Jean Collin son tout-puissant secrétaire général de la Présidence. De cette période Diouf a hérité du surnom peu flatteur de « roi fainéant ».
Macky Sall, en nommant aujourd’hui Dionne ministre d’Etat et secrétaire général de la Présidence, un costume taillé sur mesure XXL, ne vise pas le même objectif. Le sien est plutôt de s’accaparer les pleins pouvoirs en « présidant » et en « gouvernant », ce cumul mettant fin au partage des postes généralement en vigueur dans un régime parlementaire. On risque d’assister désormais à une hypertrophie des pouvoirs ceux-ci étant concentrés entre les mains d’un seul homme, par ailleurs chef de parti.
Et il y a fort à parier que Macky Sall aspire à devenir comme Senghor un président hyperpuissant et non comme Diouf un roi fainéant. Accessoirement aussi l’actuel chef de l’Etat, à peine réélu pour cinq ans, s’assure déjà à une possible réélection en 2024 en éliminant un potentiel rival dans ses rangs, en l’occurrence Dionne. Chacun sait en effet que tout Premier ministre ne rêve que d’une chose en se rasant le matin : de devenir à son tour président de la République.
On ne sait si on doit féliciter l’artiste pour ce tour de passe-passe, ou si l’on doit condamner l’action d’un homme qui aspire peut-être à agir en « despote éclairé ». L’avenir nous le dira.
Ibrahima Thiam
Président du mouvement Un Autre Avenir