Comme beaucoup d’entre nous j’ai suivi le discours d’investiture de Macky Sall et j’ai halluciné en le voyant et en l’écoutant. Etait-ce là l’allocution d’un président nouvellement réélu où n’était-ce pas plutôt le discours d’un candidat encore en campagne, vantant son programme, cent fois déjà entendu ? Peut-être faut-il vous rappeler monsieur le président que le scrutin est clos depuis le 24 février. Quel étrange discours que celui qui, au terme d’un septennat, établit un constat critique de la situation notamment s’agissant de la pollution dans nos villes ou l’insuffisance critique de construction de logements. Mais que ne l’avez-vous pas fait tout au long de ces années. En quoi votre Plan Sénégal Emergent a-t-il vraiment changé en profondeur la vie quotidienne des Sénégalais ?
Et en même temps, paradoxalement, à vous écouter, (d’où cette sensation d’hallucination, d’irréel), tout serait parfait dans le meilleur des mondes : amélioration des finances publiques, justice sociale, équité territoriale, enseignement etc. D’un côté on se flagelle, et de l’autre on se glorifie ! Une telle attitude mériterait un décryptage psychanalytique en profondeur.
Ainsi donc, vous nous promettez à l’avenir la construction de 100 000 logements afin que « chaque famille, quels que soient ses revenus puisse avoir accès à un logement décent ». Pourquoi vous croire aujourd’hui là où vous avez échoué hier ?
Lutter contre la pollution pour « Un Sénégal plus propre dans ses quartiers, dans ses villages, dans ses villes, un Sénégal zéro déchet ». Auriez-vous soudainement reçu une inspiration divine après avoir négligé ce problème durant votre mandat précédent ? A quelle potion magique allez-vous recourir alors que durant sept ans aucune recette miraculeuse n’a été en mesure de réduire cette situation calamiteuse pour notre pays ?
En marge de ce discours je voudrais noter que si une vingtaine de chefs d’Etat et chefs de gouvernement étrangers étaient présents au Centre des Expositions de Diamniado lors de la cérémonie d’investiture du chef de l’Etat le président Emmanuel Macron était pour sa part représenté par Ségolène Royal qui n’occupe pourtant aucune fonction ministérielle. Mais celle, plus modeste, d’ambassadeur des pôles, une région très éloignée de l’Afrique. Je ne veux y voir là aucun signe de refroidissement entre nos deux pays pour ne retenir que l’ancienne campagne de François Hollande est née à Dakar. Ceci expliquant cela.
Mais puisque je fais allusion aux « pôles » je dirai que les quelques difficultés que Macky Sall a bien voulu reconnaître ne représentent que la face immergée de l’iceberg. Que fait-il en effet de la lutte contre la corruption, un mal endémique dans notre pays, de l’insécurité chronique dans nos villes, de la mendicité dans les villes et villages de dizaines de milliers d’enfants, de la précarité dans laquelle vit une grande partie de notre population ? Sur tout cela le nouveau président de la République s’est montré peu disert. On aimerait qu’il soit aussi économe pour nos finances publiques qu’il l’a été au niveau des mots.
Enfin, pour finir nous avons eu droit au sempiternel couplet appelant l’opposition au sens des responsabilités afin d’assurer la stabilité politique dont le pays a besoin. Mais que ne l’a-t-il pas fait plutôt ? Après avoir snobé celle-ci durant sept ans voici qu’il découvre soudainement les vertus du dialogue. Ce virage à 180° est difficile à avaler.
Pour autant, en tant que président du mouvement « Un Autre Avenir » j’entends être un interlocuteur loyal, à défaut d’être docile, du pouvoir en place à Dakar. Je serais quelqu’un capable de soutenir des projets en faveur d’une élévation du niveau de vie de nos compatriotes, de leur mieux-être, quelqu’un capable d’approuver les initiatives en matière de développement économique pour assurer un meilleur avenir à la jeunesse. En revanche je ne serai jamais à la dévotion d’un régime, le béni oui-oui du parti au pouvoir. En clair je me refuse à brandir l’étendard d’une opposition systématique et aveugle. Je veux au contraire que celle-ci soit constructive et exigeante, une opposition qui n’entend pas favoriser l’avenir politique personnel de Macky Sall mais privilégier l’avenir du peuple Sénégalais.
Ibrahima Thiam
Président du mouvement « Un Autre Avenir »