Un fichu bordel

30 - Mai - 2018

En ce mois de Mai finissant, seule l’observation du Ramadan par sa communauté musulmane, demeure une certitude rassurante dans un Sénégal plongé dans un bordel si profond qu’il en confine à la faillite bordélique. On eut dit un avion dont le tableau de bord est éteint alors qu’il se trouve en plein dans une zone de turbulences, pendant qu‘au sol les contrôleurs du ciel qui devaient le guider sont assoupis, à quelques instants d’un plus que risqué atterrissage. Le tarmac est obscur; les premières gouttes de l’hivernage s’annoncent. Le ciel est lourd. À bord, comme au loin, sur terre, résonnent, en désordre, frémissements, pleurs à peine contenus et prières: le pire est-il le seul horizon possible?

Recapitulons. L’Etat, sur-endetté, est au bord de l’apoplexie financière. Le Plan de vol, ou VOL, qualifié au décollage d’émergent, s’est mué assez vite en Plan Sénégal Échec (PSE). Après une interminable grève des enseignants, des agents de la santé, des éboueurs, et des autres corps de métier, les étudiants ont repris le flambeau de la révolte, sur fond d’assassinat de l’un des leurs. Dans un village pauvre, à Pattar, une famille éplorée pleure son unique espoir. Et la crise s’enfonce au milieu des stratagèmes ratés: les forces du désordre, humiliées et menacées de rétorsion, le Tribunal Pénal International veillant au grain, sont réduites, l’arme au pied, de se savoir désormais impuissantes; les médiations tournent à la pantalonnade pour un Président désorienté qui édicte, sans effet, une journée du Dialogue national, rejeté, de surcroît un 28 Mai, qui est celle de la Cedeao; les vrais et concernés étudiants le boudent; la corruption par l’argent et les billets pour les lieux Saints de la Mecque ou Jérusalem n’opère plus. On fait appel à un musicien, amorti, pour rejouer un air étudiant datant des annees 1980. Comme si l’episode de l’artiste, Youssou Ndour, choisi au début du présent magistère politique pour mener à l’abattoir les politiques culturelles et touristiques du pays n’avait pas été assez dissuasif. Revoici donc un autre pousse-chansonnette, Omar Pene, qui monte sur scène, avec la mission de résoudre une systémique crise estudiantine.
Chaos, capharnaüm, cafouillis. Catastrophe. Dans ce bordel débordant de tous bords, la religion est malmenée; le premier à ouvrir les hostilités étant bizarrement Idrissa Seck, qui la convoque pour montrer son génie....politique. Abasourdi, un commerçant du grand marché de Sandaga, au cœur d’une capitale sénégalaise déstructurée, s’imagine qu’il y a du xeureum, ces gris-gris charmants de la société sénégalaise, derrière la sortie inexplicable de celui qui, depuis, suscite, sur manipulation, une levée de boucliers...”planétaire”, alimentée par une corruption industrielle.
Guerre confrerique? Prétexte de positionnement politicien? Mendicité médiatique? Opportunisme, fanatisme, fumisterie? Des propos blasphématoires de l’un à ceux dévalorisés d’un guide religieux, plus souteneur politique que porteur de la parole religieuse, le débat national s’enlise. Dans les fosses sceptiques. La religion s’en trouve salie. En perte d’aura en cette saison où elle aurait dû, entre Pentecôte et Ramadan, faire l'unanimité.
C’est-là que, tel un diable, surgit un extraterrestre n’ayant pas que peu contribué à faire du Sénégal l’un de ces pays africains si suavement décrits par le philosophe Trump. Après avoir fabriqué les pires braqueurs de la nation, promu médiocres et mercenaires, rêvé de monarchie pro-domo, et facilité la fulgurante ascension de l’un de ses plus criminels lieutenants jusqu’à ce qu’il trône à la tête de l’Etat, c’est donc un Abdoulaye Wade qui se rappelle au triste souvenir d’un peuple l’ayant vomi. Amer, revanchard, proche de l’indignité, et toujours en mode “mon fils (un voleur-nullard ayant trafiqué son diplôme universitaire) doit diriger les sénégalais”, le voici qui s’extirpe de sa boîte pour hurler, faussement, contre la (non) saisie de l’une de ses nombreuses demeures. Au lieu de s’excuser ou, mieux, de disparaître à jamais...
De sa mal-gouvernance, prolongée et amplifiée par son successeur, voleur hors-classe toutes catégories confondues, continuent pourtant de jaillir les frasques criminelles en rebut. La dernière en date porte la grande signature du régime Mackrime: Ilà Todjeh. Des centaines de milliards dissipés. On tremble à Ageroute et ailleurs: une nuée de cafards gigantesques se dirige vers l’aéroport, trop précipitamment inauguré, de Diass. Ça va se savoir, le pays veut voir des têtes décapitées, tandis qu’informée, la justice internationale compile les dossiers des escrocs, déjà identifiés!
Dans ce contexte de carnage prévisible, le tarmac national, mal éclairé, crevassé, n’en n’est donc que naturellement tapissé de scandales en tous genres que les plus perspicaces, bien que sentant venir le crash, peuvent apercevoir à partir des hublots, pendant que larmes et prières continuent de monter au ciel.
Ne les listons pas: les crimes financiers sont si nombreux qu’un logiciel de données de masse, ce que les anglais appellent la Big Data, ne peut les contenir. Gardons-les à l’esprit, on en aura besoin, très bientôt, quand l’avion terminera sa course.
Pour l’heure, écoutons encore le bordel qui suinte. Tentons de comprendre la logique de ce pilote qui recommande aux rescapés de l’équipe nationale de football de s‘enduire de potions obscures pour gagner leurs matchs au Mondial. Observons-le dans son projet de se rendre a Moscou, le mois prochain, s’il échappe à la furie du ciel: Souleye Anta, un transhumant et truand, père du projet Fora, celui qui avait accompagné Wade jusqu’à ses dernières folies, l’y attend. Sans doute pour acter un deal criminel que Mickey signerait avec Gazprom et Poutine. Tragique lot de consolation: du Sommet du G8 (au Québec, en début Juin) au Mondial, l’effet est garanti: on recevra partout avec joie celui qui se pâme devant les...desserts servis, avec des cigarettes Gaulloises, à nos ancêtres pour récompenser, discriminatoirement, leur participation aux guerres Européennes, présentées comme mondiales.
On y saluera aussi celui qui brade la souveraineté du pays qu’il dirige, saccage terres et ressources naturelles pour montrer sa disponibilité de corrompu, en plus de vouloir magouiller, après tant d’autres coups, avec les buildings publics (hehehe, nous veullons). À perte de vue, ses exploits dans la haute criminalité agressent la vue d’un peuple sénégalais, fâché et furieux face aux menées d’un tel fâcheux.

Bordel, donc, au final. En apnée, le pays est à l’agonie. Le peuple dans son plus dur ramadan financier. Le PAM (Programme alimentaire mondial), démarché, pour ne plus reconnaître la famine qu’il a pourtant scientifiquement diagnostiqué dans diverses régions du pays.
Faite de désespoirs, d’illusions brisées, de religion désacralisée, d’angoisse collective, de gangstérisme illimité, de recours à l’ethnocisme, et de positionnements solitaires (au sein de toutes les chapelles politiques, sociales, ethniques, religieuses), une page sombre s’est ouverte pour le Sénégal.

Les freins ont lâché. Yeux fermés, prières renouvelées, les passagers à bord du vol, le Peuple entier, se tournent vers le ciel et Dieu, toute confiance perdue envers le pilote. Tous implorent quelque miraculeuse clemence. Les larmes dégoulinent sur les visages. Rien ne va plus. La gouvernance bordélique ne peut plus rêver d’un quelconque miracle. Carpe Diem ! À défaut de quelque espoir tangible...

PS: Spectacle dans la tragédie en cours: Dionne et les plus grands gueulards ont la bouche cousue; ils sont en mode waaf: aucun de ces criminels n’échappera cependant. Ce serait trop facile !


Adama Gaye

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