Tu t’es engagé, Fadel Barro, au sein du Mouvement Y en a marre, pour servir une cause, un combat, un projet collectif : faire en sorte que l’homo senegalensis devienne ce qu’il est. Les vicissitudes de la vie, les mauvaises politiques au service d’un système qui creuse les disparités entre les nouveaux riches et les pauvres, et les sorties individuelles de crise comme réponse dans une jungle où la table des valeurs est complétement inversée, font que le sénégalais est en train de se dé-socialiser. Il est devenu froid dans ses relations, calculateur dans sa démarche et hypocrite dans sa façon de se livrer à l’autre. Il ne reconnaît son vis-à-vis dans son identité et son altérité que s’il en tire profit. Sa vie suppose la «mort» de l’autre. Dans les quartiers les agressions sont devenues le lot quotidien d’une population qui vit dans la peur, la pollution sonore - au nom d’une foi douteuse qui fait dans l’ostentation, comme si le Dieu de Mohamed (Psl) et d’Abraham n’entendait pas et ne voyait pas tout – augmente le stress et accélère le rythme des AVC, etc. Personne n’ose élever la voix de peur d’être taxé de mécréant. Les redresseurs de torts (adeptes de l’ordre social) sont pris pour des marginaux. Tout semble marcher sur la tête !
Tu as essayé de «dérouiller» ce que des décennies de pratiques et de comportement ont sédimenté au point de prendre une excroissance pour le comportement normal. Tu as a cru que le sénégalais peut, à coup de campagnes de sensibilisations, devenir ce qu’il est.
Le Nouveau Type de Sénégalais (NTS) n’est pas une création nouvelle à qui l’on doit apprendre les bonnes manières comme par exemple: ne pas brûler le feu, ne pas voler les biens publics, avoir le sens du devoir, respecter l’environnement et le voisin etc. Il a toujours existé, mais défiguré par les mauvaises pratiques qui constituent une vraie entorse à la justice sociale et à la discipline. Chacun fait ce qu’il veut et ce comportement déviant est plus ou moins encouragé par un Etat parfois laxiste et défaillant, qui livre le citoyen à lui-même. C’est tout cela que tu as voulu changer, parfois avec un brin de naïveté. Tu t’es engagé par conviction, c’est-à-dire sans chercher à en tirer profit. Ton engagement est un acte authentique.
Par fidélité et loyauté, tu as rempli le contrat morale parfois au point de risquer ta vie. Tu as dû renoncer à beaucoup de choses, puisque l’engagement est, par essence, sélectif : peu de temps consacré à ta famille, aux amis etc. Mais il (engagement) n’est pas privatif, puisque le renoncement est délibéré. Ce que l’on gagne dans l’engagement est parfois supérieur.
Aujourd’hui, tu as décidé de passer le flambeau à l’Esprit Alioune Sané dont l’engagement pour la bonne cause ne fait l’ombre d’aucun doute.
Ces quelques lignes griffonnées ont la prétention d’immortaliser ton œuvre à la tête de Y en a marre, lorsque les projecteurs des TV s’éteindront après avoir décrété que tu es désormais «un mauvais client» des médias.
Merci et chapeau bas, jeune frère Fadel Barro. Tu as cru jusqu’au bout que l’avènement du NTS était de l’ordre du possible. Tout le contraire pour les plus pessimistes qui pensent que c'était une perte de temps. Ils n'ont peut-être pas tort, puisque leur regard effleure la surface des choses, incapable de scruter la profondeur de la lame de fond.
Y en a marre, c'est cette part de l'humain qui s'indigne lorsque l'immobilisme coupable se contente de l'envers de la vérité. Y en a marre, c'est le chameau qui jette sa charge en plein désert pour permettre au lion de rugir. Ce cri est inscrit dans l'ADN de l'Homme, même si certains d'entre nous choisissent le confort de l'inaction, en dépit de l'insistance de cette voix qui résonne dans une conscience mystérieusement silencieuse. Tu l’as fait ! Bravo. Le combat continue. Et c'est tout le sens de notre existence sur terre.
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PAR BACARY DOMINGO MANE