La fête de Tabaski a abattu le « Goorgoolou » sénégalais qui rêve de se jauger avec le riche imaginaire du quartier. Parce que des riches imaginaires, il y en beaucoup au Sénégal où certains se donnent l'impression d'être "Happy" ou "Contane Rék "comme dit le roi du Mbalax. Notre société est rongée par le « voyez-moi ». Maladie congénitale sénégalaise incurable.
Il y a quelques mois, on avait découvert avec stupeur le phénomène « battré ». Aujourd’hui, le Sénégal a franchi un nouveau pallié avec l'exhibition outrancière des liasses de billets de banque sur les réseaux sociaux, comme l’atteste la dernière sortie maladroite du lutteur Balla Gaye 2 exhibant des billets de banque. Et que dire de l'homme d'affaires Cheikh Amar qui dégaine facilement, semble-t-il. Ces comportements reflètent le rapport singulier que les Sénégalais entretiennent avec l'argent et l'avoir.
Une relation peut être atavique. Balla Gaye2 et Cheikh Amar ont été de pauvres Sénégalais inconnus du grand public qui aspiraient à être riches et célèbres dans une société où ceux et celles qui devraient servir de références ou de modèles ne suscitent guère l'attention d'une jeunesse désemparée et égarée qui ne croit plus au travail dans un Sénégal où tout se repose sur des combines et des conciliabules.
Une jeunesse qui peine à faire le distinguo entre les modèles et les contre-modèles, les valeurs et contre-valeurs. Et le lutteur de Guédiawaye est un de ces contre-modèles parmi ce peloton aisés-désaxés, adulé par une jeunesse désœuvrée suspendue quotidiennement aux bêtises de certaines de ces célébrités.
C’est ça le Sénégal, le pays des contrastes et des imperfections, ou le pauvre, rattrapé par la richesse, verse dans l’imbécilité pour cicatriser son passé douloureux et exorciser ce qui était son menu de sa misère. C’est dans ce sens qu’il faudrait comprendre la sortie de Balla Gaye 2 qui nous a servi une recette fétide.
Ce comportement typiquement sénégalais n’épargne pas la classe politique, notamment les tenants du pouvoir, et le premier d’entre eux, en l’occurrence, le président Macky Sall, qui n'a aucune gêne à distribuer des sommes d'argents astronomiques pour résoudre des problèmes politiques au sein de son parti.