Quand Macky « desserte » sur les Tirailleurs sénégalais

Il y a comme cela régulièrement chez tout homme politique des petites phrases qui tuent. Macky Sall, le président du Sénégal n’y échappe pas plus qu’un autre. Ainsi lors d’un discours il a récemment évoqué le temps de la colonisation française. Et qu’elle n’a pas été la surprise de ses auditeurs de l’entendre vanter la générosité des anciens colons à l’égard des tirailleurs sénégalais qui, durant la guerre, bénéficiaient de « desserts » alors que d’autres africains n’ont pas eu cette chance.

Cette anecdote, pour aussi « savoureuse » quelle soit, s’agissant de dessert, est pour le moins sujette à caution et est un exemple mal choisi des « bienfaits de la colonie ».

Une appellation générique

Macky Sall devrait savoir mieux que personne que sous la désignation de « Tirailleurs sénégalais » on entendait à cette époque plus globalement les noirs d’Afrique de l’ouest et pas spécifiquement des ressortissants du Sénégal. Alors pourquoi mettre en avant cette notion aux allures discriminatoires au détriment des voisins ivoiriens ou maliens ?
Et puisque le chef de l’Etat semble être un expert en matière de desserts comment se fait-il qu’il ne se soit jamais offusqué que que dans des pâtisseries on trouvait il y a encore quelques années des « Nègres en chemise », « La tête-de-nègre » ou « l’Africain » (désormais appelé …Suisse). Récemment encore une chocolaterie d’Auxerre a été mise en cause à propos de deux de ses spécialités : « Bamboula » (nom d’une ancienne danse africaine) et « Négro », autant de termes péjoratifs qui, comme pour le champagne « Code noir », s’apparentent à de marketing néocolonial. Et qui sait s’il n’est pas arrivé au président Sénégalais lors d’un de ses nombreux séjours parisiens de commander un « p’tit noir » au zinc d’une brasserie pour se faire servir un café, à moins qu’il n’ait fait ajouter du lait et demandé un crème pour couper court à toute plaisanterie.

« Vous êtes les témoins de l’Afrique immortelle »

Plus grave, dans ce même discours Maky Sall a préféré éviter les sujets qui fâchent oubliant qu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, en décembre 1944, l’armée française – et ce n’est pas un fait d’arme qui l’honore - avait ouvert le feu sur des tirailleurs sénégalais dans le camp de Thiaroye, ceux-ci réclamant leur prime de démobilisation et leurs arriérés de solde. Léopold Sédar Senghor a d’ailleurs écrit à leur sujet : « Non, vous n’êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l’Afrique immortelle ». Il aura fallu attendre 2014 pour qu’un mémorial soit inauguré au cimetière de Thiaroye en présence de Macky Sall et de François Hollande. Il y a quatre ans de cela, c’est récent.

Et cependant Maky Sall lors de ce fameux discours semble avoir eu la mémoire courte, ou du moins une mémoire sélective. Comme quoi un homme politique devrait toujours tourner deux fois sa langue dans sa bouche avant de parler, et deux fois sa cuillère dans le tiramisu. Mais c’est beaucoup leur demander.

So-Ho